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opérations de détail dont les commandans de corps auraient à prendre l’initiative ; on attendrait ainsi les ordres du gouvernement. Il chargeait les officiers généraux de communiquer à leurs troupes ce qu’ils venaient d’entendre. Le même jour, un secrétaire d’ambassade, attaché dès le début de la guerre à l’état-major général, M. Debains, sollicitait de Bazaine l’autorisation de franchir les lignes prussiennes. Pris et ramené à Metz le soir même, il adressait au maréchal le rapport confidentiel d’une conversation qu’il avait eue avec des officiers prussiens. Elle se résumait ainsi : 600 000 Allemands en France, nul enthousiasme du pays pour la guerre, plus d’armée régulièrement organisée sinon celle de Metz. La ville était menacée d’un siège très prochain, quand la grosse artillerie serait arrivée. Strasbourg avait capitulé.

Bazaine, aussitôt après avoir pris connaissance de ce document, prescrivait au colonel Nugues d’en envoyer immédiatement copie aux commandans de corps d’armée. Les officiers qui écrivaient sous la dictée du colonel, partagèrent sa réprobation. Le général Jarras, auprès duquel le colonel Nugues protestait, jugeant dangereux et coupable de transmettre un document de cette nature, alla en parler au maréchal. Il revint et ordonna de supprimer le résumé final dans les expéditions envoyées aux commandans de corps d’armée : lecture leur serait faite de l’expédition qui leur était destinée, puis elle serait détruite. Charlys et bien d’autres s’exprimèrent avec vivacité sur cette communication, dont ils blâmaient le caractère clandestin, comme ils avaient blâmé d’abord la divulgation même.

Le 14, un brigadier de sapeurs-conducteurs du 1er régiment du génie, nommé Pennetier, évadé de Sedan, apportait des journaux que le maire d’Ars lui avait remis pour le maréchal. Ils contenaient la proclamation adressée le 8 septembre au peuple français par le nouveau Gouvernement, la convocation des électeurs à la date du 16 octobre pour l’élection d’une Assemblée nationale. Le maire d’Ars y avait joint, copiée de sa main, la circulaire de Jules Favre du 6 septembre. Ce jour-là, l’Indépendant de la Moselle, imprimé sur papier jaune, — le blanc manquait, — publiait une proclamation signée de Coffinières, du préfet et du maire, où le désastre de Sedan était officiellement annoncé. Appel était fait à la résistance et au patriotisme. Le 16, un ordre général portait à la connaissance de l’armée du Rhin les nouvelles qui depuis huit jours volaient sur toutes les bouches :