tion était générale. Restaud regardait Cussac avec des yeux de souffrance irritée. Laisné fut frappé de sa physionomie ; il étira ses longues moustaches d’un air perplexe :
— Tout cela est bien triste, monsieur.
Des minutes encore, ou des heures. Les commandans de corps reparurent, Canrobert, les yeux animés, Lebœuf et Ladmirault encapuchonnés et mornes ; les états-majors se disloquaient ; un piaffement de chevaux, de brefs adieux ; et de bouche en bouche se mit à courir la nouvelle redoutée : « On ne sort pas… le mauvais temps… les troupes rentrent… » Le 2e corps restait sur la rive droite, le 4e et le 6e repassaient la Moselle, allaient s’établir sur la rive gauche.
La retraite, l’éternelle retraite !
— Il pleut moins, dit Du Breuil.
À cheval, de la boue jusqu’au haut des bottes, lentement, funèbrement, s’échelonnait le retour de l’escorte au quartier général. — « Nous ne sommes pas à plaindre ! » avait dit Restaud. Mais les troupes, pensait Du Breuil, les troupes percées jusqu’aux os, qui, dans un lent, interminable enchevêtrement, pas à pas, de halte en halte, allaient à la nuit regagner leurs bivouacs transformés en mares !… La pluie ! songeait-il avec rage, invoquer la pluie pour ne pas se battre ! Est-ce qu’il ne pleuvait pas aussi pour les Prussiens ?… Laune en avant, tête basse, écoutait Jarras. Il revint, dit à Charlys :
— C’est bien ce que je craignais ! Coffinières a insisté pour qu’on ne quitte pas Metz. Le général Soleille a invoqué l’insuffisance des munitions : nous n’en aurions plus que pour une bataille.
— Alors, fit Charlys, nous restons ?… Et les autres, ils n’ont rien dit ? Ils n’ont pas protesté ?
— Ils se sont rendus à l’opinion de Bazaine.
— Mais a-t-il parlé de Mac-Mahon ?
— Non. Pas un mot.
Charlys tressaillait.
— Qu’avez-vous ? demanda Laune.
— Rien.
Et tout bas :
— Si vous saviez…
À travers la ville, rentrée morne. Les habitans aux portes, l’air étonné, triste, soupçonneux. Les troupes que l’on dépassait, muettes, harassées, jetaient au groupe silencieux de l’état-major