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lité sur le commandant en chef. Bien plus, Coffinières se présentait chez le maréchal, et de nouveau insistait. Ses raisons ? nécessité de garder Metz comme point d’appui des opérations, avantage d’immobiliser toute une armée ennemie ; Mac-Mahon aurait le temps de se reconstituer, Paris d’organiser la défense. Sa grande crainte, c’était que Metz, avec ses forts insuffisamment armés, sa garnison de 19 000 hommes et de 4 000 gardes nationaux, ne tînt pas quinze jours… Le général Soleille n’était pas moins inquiet. Les approvisionnemens suffiraient-ils à plusieurs batailles ? Il y avait bien un convoi de vivres à Thionville, mais on n’y était pas encore.

Du Breuil ne répondit pas. Il était triste, comme s’il devait lui arriver malheur : cependant, il ne portait plus à son doigt l’opale de Mme de Guïonic. Bah ! la suite d’une mauvaise nuit, voilà tout ! Il songea à sa propriétaire : la veuve, timidement, à l’heure des adieux, l’avait prié d’accepter quelques provisions pour la route. De braves cœurs, ces Lorrains ! Il consulta sa montre. Pourquoi ne part-on pas ?… Charlys était blême… Encore un qui avait mal dormi !…

Une averse tombait, quelle boue déjà ! Triste chose pour les troupes, sous les armes depuis trois heures du matin, grands troupeaux en marche entassés là-bas, sur la rampe du Saint-Julien. Comme on les éreintait, comme on se souciait peu de leurs besoins et de leur lassitude ! Voyons, est-ce que le chef d’état-major général n’aurait pas dû pourvoir à l’emploi des routes qui mènent au plateau ? Pourquoi n’utilisait-il pas les officiers d’état-major ? Encore une rafale ! Onze heures et demie. En selle enfin ; l’on part !

— Vous verrez, dit Massoli, qu’on ne fera rien aujourd’hui. Toutes ces lenteurs donnent à l’ennemi le temps de se mettre en défense.

Quelques chasseurs à cheval seulement pour l’escorte ; tout l’état-major, plus de cinquante officiers, suivaient le maréchal.

On rencontra près de la gare de Thionville le général Bourbaki. Le maréchal l’informait qu’il eût à se réunir aux commandans de corps d’armée, au quartier général de Saint-Julien, dès son arrivée. Du Breuil serra la main du commandant Carrouge, un des officiers de Bourbaki. Dix minutes après, le chef d’escadrons d’Homolle, de l’état-major particulier de Bazaine, allait