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du sien. Nous l’avons enfin obtenue. L’Angleterre n’y a mis qu’une condition, à savoir que, pendant quinze ans, ses cotonnades, qui constituent son commerce le plus important avec la Tunisie, n’y paieraient à l’entrée qu’un droit de 5 p. 100. C’était, en somme, acheter à bon compte la liberté de nos tarifs.

Il faut, sans doute, savoir gré à l’Angleterre de sa détermination ; mais, en vérité, on la fait un peu trop valoir de l’autre côté de la Manche. Nous l’avons attendue pendant plus de quinze ans. L’Angleterre ne l’a prise que lorsque toutes les autres puissances avaient déjà régularisé leur situation avec nous. Elle ne pouvait pas persévérer dans une attitude où elle était isolée, sans nous manifester clairement une mauvaise volonté qu’il lui aurait été difficile de justifier. Mais il y a plus. L’Angleterre n’a pas l’habitude, même lorsque, dans sa haute raison, elle a pris son parti d’abandonner quelque chose, de le donner pour rien ; elle tâche toujours d’obtenir autre chose en échange. Il y a dix-huit mois déjà, lorsque nous avons conclu avec elle un arrangement à propos du Siam, elle s’était engagée à entrer en négociations avec nous pour le règlement de la question tunisienne. Nous étions autorisés à croire à ce moment qu’elle ne nous ferait pas attendre si longtemps le règlement définitif de cette question, et cette espérance nous avait rendus de composition plus facile dans celui de la question siamoise. Il y a plus encore. L’Angleterre, au mois de janvier 1896, ne nous promettait pas seulement un arrangement en Tunisie, mais un second dans la boucle du Niger. Nous l’attendons toujours. Il ne faut donc pas que les journaux anglais vantent outre mesure le service que leur gouvernement nous a rendu, ni surtout qu’ils s’en autorisent pour nous en demander d’autres en retour. En effet, si ce service est de ceux qui ont besoin d’être payés, nous l’avons payé d’avance. Mais c’est ce que l’Angleterre oublie volontiers : chez elle, la main droite ignore ce que reçoit la main gauche. Il ne faut pas surtout que les journaux anglais trouvent là, comme ils le font avec complaisance, un prétexte à parler de l’Égypte. A les entendre, la France n’a plus aucune observation à émettre au sujet de l’Égypte, puisqu’on la laisse tranquille en Tunisie. Avons-nous besoin de dire que personne chez nous ne saurait admettre une aussi étrange manière de raisonner ?

Il n’y a aucune ressemblance entre notre situation en Tunisie et celle des Anglais en Égypte : la première est aussi régulière que la seconde l’est peu, et la préoccupation constante que montrent les Anglais à s’en justifier est une preuve de plus du malaise qu’ils en éprouvent. Ils ne se mettent jamais d’accord avec nous sur un point