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troupes. Il nous a laissés beaucoup parler, et il a très bien su remarquer que nous agissions peu. Rien n’est plus difficile, à la vérité, que de résoudre une question quelconque en Orient ; aussi n’en a-t-on résolu aucune. La Grèce seule est hors de cause pour le moment ; mais avant qu’elle se fût jetée à travers les événemens, la situation, déjà très difficile, absorbait toute la sollicitude de l’Europe. L’équipée hellénique n’a été qu’une diversion : elle n’a pas modifié sensiblement l’état de choses antérieur, qui était mauvais. Peut-être la lassitude générale produira-t-elle une accalmie momentanée, sauf toutefois en Crète, où il est impossible de ne pas prendre un parti. Mais nous n’en avons certainement pas fini avec les affaires d’Orient, et le mieux que nous puissions espérer est de faire une halte qui permettra à l’Europe de retrouver des forces pour une nouvelle étape.


C’est avec beaucoup de satisfaction qu’il convient d’accueillir la nouvelle de l’arrangement intervenu entre l’Angleterre et la France au sujet de la Tunisie. Le fait a une importance considérable à deux points de vue : il consacre définitivement notre prise de possession de la Régence, et il nous permet d’établir entre elle et nous tels rapports économiques qui nous conviendront, sans qu’aucune autre puissance puisse en réclamer le bénéfice. Il a fallu seize ans pour atteindre ce résultat, délai bien long pour la génération qui est appelée à le subir, mais bien court dans la vie d’une nation. Nous nous y sommes résignés par respect pour le droit des gens, par fidélité à nos promesses, et enfin par suite du désir que nous avons toujours eu de vivre en bonne intelligence avec les autres puissances, notamment avec l’Angleterre et avec l’Italie.

Elles avaient l’une et l’autre un traité avec la Régence, traité qui leur assurait le privilège de la nation la plus favorisée : la seule différence était que le traité italien prenait fin en 1896, tandis que le traité anglais était perpétuel. L’article 40 de ce dernier traité, conclu en 1875, prévoit qu’il pourra être révisé, mais il ajoute : « Tant que cette révision n’aura pas été accomplie d’un commun accord, la présente convention subsistera. » Par conséquent le consentement de l’une et de l’autre partie, et, dans l’espèce, celui de l’Angleterre, était indispensable pour la révision du traité. Il l’était d’autant plus que nous avions pris, en 1881, l’engagement de respecter les traités passés par le Bey avec « les diverses puissances européennes ». Après l’avoir pris, nous l’avons tenu de la manière la plus scrupuleuse, malgré la gêne parfois très lourde qui en est résultée pour nos rapports avec la Régence.