Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/672

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rennes, qui se reproduisirent rapidement. Toutes les conditions favorables se trouvaient réunies pour ces utiles animaux, doués d’une remarquable force de résistance au froid et à la fatigue, et dont la chair est succulente, le lait abondant, la fourrure chaude, la peau, une fois tannée, d’une grande souplesse. Les rennes fournissent aux peuplades indiennes des attelages pour les traîneaux, des montures pour les femmes et les enfans, de la viande et du lait, des vêtemens et des chaussures. En tant qu’animaux de trait, ils sont de beaucoup préférables aux chiens, qui doivent porter avec eux leur nourriture, alors que le renne trouve partout à se nourrir sur le sol qu’il parcourt, déterrant, l’hiver, avec ses longues cornes, la mousse que la neige recouvre et qui est son principal aliment. En tant que monture ou animal de bât, le renne peut porter les femmes et les enfans, ou, avec une charge n’excédant pas 200 livres, voyager dix heures par jour à une vitesse moyenne de huit à neuf milles à l’heure. Nul doute d’ailleurs que le renne ne se multiplie et que l’élevage et la domestication de cet utile animal ne devienne l’une des profitables industries de l’Alaska.

Il en sera de même de la pêche ; les eaux de l’Alaska sont poissonneuses ; les saumons abondent et aussi le candle fish, le « poisson chandelle », l’oulakan, si gras que l’on s’en sert comme d’une bougie. Quant aux baleines, autrefois très nombreuses dans la mer de Behring, elles ont remonté vers le nord, cherchant un abri derrière la ceinture de glaces que les baleiniers ne sauraient franchir. Leur départ a eu pour conséquence le dépeuplement partiel des côtes. La baleine était aussi nécessaire à l’Esquimau que le renne au Lapon ; en la perdant, il perdait le plus clair de sa subsistance : la chair et l’huile qui lui étaient indispensables dans les longs hivers ; aussi des débris de huttes attestent-ils la décroissance de la race, chez laquelle les infanticides sont nombreux, dans les trop fréquentes périodes de famine. Doux et paisibles d’ailleurs, les Esquimaux « Innuits » sont rarement en guerre ou même en querelle.

Dans le bassin du Yukon habitent les « Ingalit » ou les Incompréhensibles, ainsi nommés par les Esquimaux qui ne comprennent pas leur langue ; ils sont de même origine que les Indiens du Canada et des Etats-Unis. Plus nombreux, les « Kinaï » campent à l’est de la Corne d’Alaska. Ceux de l’Alaska méridional, dénommés « Thlinkit », ne représentent plus aujourd’hui qu’une