d’aller exploiter « une colonie déserte, des îles inexplorées, une terre stérile au long d’une côte semée de banquises. » — Aujourd’hui une découverte inattendue a fait justice de ces préventions ; et l’esprit d’entreprise des Américains met en lumière les ressources de l’Alaska.
Bornée au nord par l’océan Glacial, à l’ouest par le détroit de Behring, la mer de Behring et l’océan Pacifique, au sud et à l’est par la Colombie Britannique et l’ancien territoire de la Compagnie d’Hudson, la province d’Alaska, devenue territoire des Etats-Unis, occupe une superficie à peu près triple de celle de la France ; on l’évalue à 1 500 000 kilomètres carrés. Par le détroit de Behring, sur lequel l’hiver jette un pont de glace, elle se relie à l’Asie ; au sud, la longue traînée des îles Aléoutiennes, décrivant en une courbe régulière un arc de cercle de 1 500 kilomètres, forme un vaste brise-lames à la mer de Behring et, dans l’ouest, remonte vers la Sibérie.
Jusqu’au XVIIIe siècle on ignorait qu’à cette extrémité de l’Asie, l’Amérique fût si proche. Deux cosaques, chasseurs des rives de la Kolyma, avaient, franchissant le détroit en traîneaux, passé d’un continent dans l’autre ; avant eux, les Tchouktches d’Asie trafiquaient avec les Esquimaux d’Amérique à Kinging, qui, sur la pointe extrême d’Amérique, fait face au cap oriental de l’Asie, mais les allées et venues de peuplades à demi sauvages n’éveillaient pas l’attention. Pierre le Grand, le premier, en entendit parler ; rien de ce qui se passait dans l’empire ne le laissait indifférent ; il conçut le projet d’une exploration de ces terres lointaines. Ce projet, que la mort interrompit, fut repris plus tard par Catherine Ire et confié par elle au marin danois Vitus Behring. Dans un premier voyage, il explora les côtes du Kamtchatka, le détroit et la mer qui portent son nom. Dans un second, en 1741, il visita la côte américaine, releva le mont Saint-Elias, mais, après avoir vu son équipage décimé par le froid et le scorbut, il succomba lui-même dans l’île du Commandeur.
Des observations faites, il résultait que cette région était riche en fourrures et pelleteries. Une compagnie se forma pour exploiter cette source de richesses. Habilement dirigée par un intrépide voyageur sibérien, Baranof, elle élargit, non sans peine, le cercle de ses opérations et, poussant toujours plus avant dans l’intérieur des terres, elle vint enfin se heurter aux avant-postes de la compagnie anglaise de la baie d’Hudson qui, de l’est,