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M. de Montmorency, qui comptait d’abord revenir à Paris, à représenter la France au Congrès, comme chef de nos légations réunies. Tout le monde partit donc de Vienne pour Vérone. L’empereur d’Autriche et le roi de Prusse, voyageant à petites journées, y arrivèrent le 15, et l’empereur de Russie le 16 octobre 1822.


III. — CONGRES DE VERONE. — ARRIVEE DE CHATEAUBRIAND (OCTOBRE A DECEMBRE 1822)

Je n’ai pas à refaire ici l’historique du congrès de Vérone ; M. de Viel-Castel en a retracé toutes les phases avec une grande exactitude dans son Histoire de la Restauration, et je ne pourrais que confirmer de tous points son propre témoignage avec les mêmes documens qui lui ont servi pour l’établir. Aussi bien j’ai hâte d’arriver à la personnalité que j’ai tenu surtout à envisager dans cette étude, celle de Chateaubriand. C’est à ce moment qu’il entre véritablement en scène comme homme d’Etat et nous ne le quitterons plus désormais, parce qu’il demeure, depuis le jour de son arrivée à Vérone jusqu’au mois de juin 1824, date de son renvoi du ministère, d’abord l’associé et ensuite l’inspirateur même de la politique extérieure suivie par le gouvernement de la Restauration.

Ambassadeur à Londres, où il avait remplacé le duc Decazes, Chateaubriand n’avait, comme on le sait, qu’un désir : c’était d’aller au Congrès. Ce désir, chez lui, était une passion qui l’obsédait. On connaît son mot à M. de Villèle : « Si vous voulez, mon cher ami, un jour vous servir de moi, il faut que vous me placiez sur un grand théâtre, afin qu’ayant négocié avec les rois, il ne reste plus aucune objection, ni aucun rival à m’opposer. » C’était bien là sa pensée de chaque jour, dite avec une franchise entière et ne manquant pas d’une certaine habileté qui devait lui servir plus tard, lorsque M. de Montmorency, ayant manifesté ses tendances guerrières, Chateaubriand réussit à persuader au Président du conseil, qu’il pourrait servir de contrepoids à l’indu en ce de notre ministre des Affaires étrangères. Ce fut le vrai motif de son envoi à Vérone. Ce n’était pas le seul. MM. de La Ferronnays et de Caraman, ambassadeurs à Saint-Pétersbourg et à Vienne, devant s’y rendre, comme plénipotentiaires de France, il était moralement impossible que notre ambassadeur à Londres