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dispositions du cabinet anglais, c’était, aux yeux du prince de Metternich, courir le risque du plus grave des échecs. Il fallait donc s’entendre entre soi dans des conférences intimes, calmer l’esprit de l’empereur, qui ne désirait que l’intervention, en lui inspirant une vive défiance de la France, et lui faire craindre pour la cause de l’ordre européen les résultats mêmes de cette intervention. D’autre part, l’Angleterre s’étant engagée, comme nous l’avons vu, par des notes diplomatiques, à empêcher toute action isolée de la France en Espagne, il fallait expliquer à l’empereur Alexandre les motifs pour lesquels l’abstention des puissances semblait avant tout préférable, jusqu’au jour où l’on déciderait d’avoir recours à une intervention qui devrait alors être collective. Mais ce que M. de Metternich savait des dispositions de l’empereur Alexandre ne lui laissait pas d’espoir de réussir à lui tout seul. Il lui paraissait nécessaire d’appeler à son aide un homme que l’empereur de Russie estimait et craignait, lord Castlereagh, marquis de Londonderry, premier ministre du roi d’Angleterre.

« Singulièrement grave, nous le représente Chateaubriand dans une de ses dépêches, le marquis de Londonderry imposait à l’opposition qui n’osait pas trop l’insulter à la tribune et dans les journaux. Son imperturbable sang-froid, son indifférence profonde pour les hommes et pour les choses, son instinct de despotisme et son mépris secret, pour les libertés constitutionnelles, en faisaient un ministre propre à lutter avec succès contre les penchans du siècle, à une époque où l’exagération de la démocratie menaçait le monde. »

Quant à sa politique extérieure, lord Castlereagh se vantait, peut-être à bon droit, d’avoir décidé la chute de Napoléon par la formation de la dernière et puissante coalition qui l’avait renversé. « J’avais trouvé, disait-il, la clef des coalitions ; elles ne réussissent que par la camaraderie des souverains. » L’importance d’un pareil auxiliaire était parfaitement comprise par M. de Metternich pour son œuvre antifrançaise. Le chancelier autrichien avait donc eu l’idée de conférences préparatoires, qui se seraient tenues à Vienne entre les chefs des cinq cabinets. Lord Castlereagh devant s’y trouver, M. de Montmorency fut également invité à s’y rendre. Dans ce cénacle intime, que M. de Metternich se flattait de dominer, devaient être débattues et résolues les grandes questions du jour, surtout celle d’Espagne. Après un accord