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Français, le lieutenant-colonel Goiffieux, qui montra jusqu’au bout le courage qu’il avait déployé dès les premiers jours, lorsque, pouvant sauver sa vie par un mensonge, il avait répondu aux officiers qui lui demandaient son nom : « Goiffieux, premier lieutenant aux gardes ». Il fut fusillé.

Le mouvement révolutionnaire de Madrid fit éclater avec plus de force l’opposition royaliste des provinces et, par le succès de l’insurrection en Catalogne, amena la formation de cette sorte de gouvernement provisoire, connu dans l’histoire sous le nom de régence d’Urgel. Elle annonça sa constitution aux gouvernemens étrangers et à celui du roi Louis XVIII en particulier par une lettre qui commençait ainsi :

« Sire, une secte malheureusement célèbre en Europe par sa haine pour le trône et l’autel, et par sa passion d’innover, après avoir désolé principalement l’Angleterre et la France, a étendu ses fatales conquêtes en Espagne depuis 1812. Ces conquêtes, interrompues un moment en 1814 par le retour de Ferdinand VII, jusqu’alors captif, se sont renouvelées au commencement de mars 1820, à la faveur d’une partie de l’armée révoltée contre son autorité, son auguste personne et contre les droits de la royale famille de Bourbon dont Votre Majesté est le premier membre. La force décida du sort de l’Espagne à l’aide de la corruption, de l’intrigue et des menées séditieuses, et le roi fut forcé de jurer une constitution qui enlevait à Sa Majesté ses prérogatives et à notre pays sa tranquillité. Il s’en est suivi que le serment royal et les décrets signés par le roi ont été nuls, que l’anarchie a pris naissance, que des vengeances se sont exercées contre tous ceux qui voulurent rester fidèles à leur roi. Deux ans de lutte se sont écoulés ; nos maux augmentent de jour en jour. Notre roi est captif et sa vie précieuse court les plus grands dangers au milieu d’insultes, de menaces et de machinations dont le succès serait le complément des malheurs de l’Espagne.

« Votre Majesté a été autrefois le triste témoin d’un état de choses pareil, et elle a montré alors à l’Europe quel grand intérêt doit prendre au sort de son roi le sujet qui veut demeurer inébranlablement attaché au devoir et à l’honneur. Nous croyons remplir le nôtre en défendant notre souverain au milieu de la déplorable crise actuelle. Votre Majesté ne sera donc pas étonnée que, pendant la captivité de notre monarque, nous nous soyons constitués régens de ce royaume jusqu’à ce que le roi, rendu à une