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modération d’idées, au lieu de porter le roi à s’attacher aux seuls hommes qui pussent encore le sauver, lui avait inspiré pour eux une aversion d’autant plus grande que leur opinion avait plus de chance de succès que celle des révolutionnaires. Les ministres sentaient de leur côté ce manque de confiance de leur souverain. Il en résultait qu’au lieu de donner la main au roi pour le seconder dans les changemens qu’ils jugeaient eux-mêmes nécessaires, la crainte de l’arbitraire les rapprochait du parti opposé. La correspondance de M. de La Garde reflète invariablement cette impression, qui ne pouvait que s’accentuer davantage, par suite des tentatives absolutistes provoquées par la « camarilla » royale à Aranjuez et à Valence, et dont le contre-coup devait amener la journée du 7 juillet 1822 à Madrid, c’est-à-dire le commencement de la captivité effective du roi.

Je n’ai pas à entrer ici dans le détail de ces tristes événemens. Il faudrait refaire toute cette histoire qui mit le comble à l’humiliation méritée du roi. Les seules figures qui s’en détachent avec honneur sont celles de Martinez de la Rosa et de ses collègues. Désapprouvant formellement la conduite de leur souverain, retenus captifs dans le palais, traités de la manière la plus indigne, il ne leur échappa ni un mot de reproche contre le roi, ni une injure contre l’entourage ignoble et subalterne qu’on leur préférait, ni une plainte au sujet des outrages dont on les avait abreuvés. Ce furent de grandes âmes qu’on est heureux de saluer en passant, quand on traverse cette lamentable histoire.

Après l’insuccès de la tentative absolutiste du 7 juillet, Martinez de la Rosa et ses collègues, voyant qu’ils avaient été trahis par le roi et qu’ils demeuraient sans force vis-à-vis de la révolution menaçante, reconnurent leur impuissance à seconder une politique de modération qui n’avait plus aucune chance de succès. Le roi tenta de les remplacer par un ministère de fusion où M. Calatrava et quelques autres députés de sa nuance seraient entrés ; mais ils n’acceptèrent pas, et après une crise de près d’un mois, le mouvement populaire devenant de jour en jour plus menaçant, Ferdinand VII fut obligé de s’entendre avec la fraction la plus révolutionnaire des Cortès. Les modérés furent partout destitués ou se retirèrent d’eux-mêmes. Les hommes de 1820 occupèrent tous les emplois de chefs politiques ou de commandans militaires, et les gardes du corps qui avaient essayé de défendre le roi furent sacrifiés. Parmi eux se trouvait un