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révolutionnaires, l’effet que pouvait attendre la France de l’envoi des futurs négociateurs.

Sir Henry Wellesley se rendit à l’arrivée de cette dépêche chez Evariste Perez de Castro, porté par le mouvement libéral au ministère des Affaires étrangères, pour l’informer de l’arrivée du plénipotentiaire français. Les hommes du 8 mars signalèrent aussitôt à l’animadversion publique les machinations diplomatiques de la France et la possibilité d’une trahison du parti constitutionnel. Dès lors, il devenait impossible de s’entendre avec les modérés. M. Pasquier fut informé que la mission de M. de La Tour du Pin n’aurait aucun succès et on dut renoncer à l’envoyer à Madrid.

Le duc de Richelieu et M. Pasquier, abandonnant alors la pensée de faire exercer à la France une influence personnelle sur les affaires d’Espagne, songèrent à tenter une action collective de concert avec les autres puissances. Ils s’adressèrent d’abord à la Russie dont la réponse fut entièrement conforme au désir de la France, mais avec une nuance plus accentuée. Le comte Capo d’Istria, ministre des Affaires étrangères, déplorait amèrement, et dans les termes les plus vifs, les mouvemens révolutionnaires de l’Europe et ceux de l’Espagne en particulier. Il partait du principe que les autres puissances devaient y attacher la plus sérieuse attention et que le droit d’intervention de leur part était un droit positif. La réponse du cabinet anglais fut tout autre. Lord Castlereagh se hâta de déclarer qu’il repoussait toute idée d’une action concertée entre les puissances, qu’il déclinait un droit d’intervention qu’on ne peut admettre chez les autres, sans l’admettre chez soi ; pratiquement, il ne voyait que deux cas qui pourraient justifier l’intervention de l’Angleterre, celui où l’Espagne attaquerait le Portugal, placé sous sa garantie, et celui où la vie du roi Ferdinand VII serait en danger.

En même temps qu’il faisait parvenir à Paris cette réponse officielle, le cabinet anglais adressait à ses agens une circulaire dans laquelle il laissait voir nettement la pensée d’hostilité morale qui animait toujours lord Castlereagh contre la France. On y trouvait entre autres choses cette phrase significative, qu’accepter l’intervention proposée parole cabinet français serait[1] « changer la nature de l’alliance contractée uniquement contre la France ;

  1. Notice sur le congrès de Vérone, par M. de Bois-le-Comte.