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aurait, même après la chute de cet habile ministre, assuré peut-être l’existence de la Restauration, si les idées de Chateaubriand, qui étaient celles de MM. de Martignac et de La Ferronnays, avaient définitivement prévalu dans ses conseils.

Quant à la prétendue intervention des puissances étrangères, la vérité est que l’expédition d’Espagne fut faite d’accord avec la Russie, mais malgré l’opposition très vive de l’Angleterre, qui ébauchait même, à ce moment, un traité de commerce avec le gouvernement révolutionnaire espagnol, et le mauvais vouloir non dissimulé de l’Autriche et de la Prusse, dont la politique était alors à peu près associée. M. de Metternich ne voulait assurément aucun bien aux révolutionnaires d’Espagne. Il les détestait même cordialement ; mais il craignait d’abord l’intervention armée de la France qui, victorieuse, aurait retrouvé son ascendant en Europe, comme le fait le démontra, et, vaincue, aurait été la victime de la révolution dont il redoutait, avant tout, la contagion. Son secret désir était que l’action des puissances en Espagne fût collective, purement morale, ou, si elle devenait effective, que la France n’y fût pour rien. Il aurait préféré dans ce cas l’intervention russe à toute autre ; mais, comme il en pressentait les difficultés, il ne souhaitait réellement qu’une action diplomatique de toutes les puissances. On ne s’expliquerait pas autrement l’accueil d’une bienveillance exceptionnelle qu’il fit, à la fin du congrès de Vérone, au banquier Ouvrard, uniquement parce que le célèbre financier lui avait proposé les moyens de venir efficacement en aide à la régence royaliste espagnole, qui s’était constituée à Urgel pour la délivrance du Roi et dont le succès, s’il s’était produit, aurait pu empêcher notre expédition.

La France n’eut donc dans cette campagne de quelques semaines qu’un seul appui au dehors, très décidé, très énergique même, mais dont le concours empressé respecta toujours son indépendance : ce fut l’empereur Alexandre. Les autres grandes puissances nous furent toutes moralement hostiles. J’ajouterai que, depuis cette époque, les relations de la France et de la Russie demeurèrent sur un pied d’intimité réelle jusqu’à la révolution de Juillet. Tout le monde sait aujourd’hui, — bien qu’on ait un peu exagéré les faits, dans ces derniers temps, — que l’empereur Nicolas Ier, successeur de l’empereur Alexandre Ier, étant en guerre avec la Turquie, et ne faisant d’ailleurs que confirmer d’autres ouvertures antérieures à son règne, chargea le duc de