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finit, tout recommence. Quel intérêt peut-il avoir à cela ? Est-ce vraiment celui de la Grèce qui le préoccupe ? On a quelque peine à le croire, même lorsqu’il propose, ou qu’il paraît sur le point de proposer de donner au futur emprunt grec la garantie de l’Angleterre toute seule. Cette espèce de protectorat établi ou à établir sur les finances helléniques, et destiné sans doute à prendre plus tard d’autres formes, ne nous dit rien qui vaille. Tout cela, au surplus, est resté à l’état imprécis et nébuleux dans la pensée de lord Salisbury, si on en juge du moins par ce qu’il en a exprimé. Il peut tout nier, il peut tout reprendre, il peut tout retirer. Et c’est en cela précisément que sa politique est déconcertante, parce qu’elle a toujours l’air d’être en période de formation et qu’elle reste indéterminée : et comme, derrière ces propositions mouvantes, existe une force matérielle et morale qui est parmi les plus grandes de l’univers, on comprend que cette situation paraisse dans une certaine mesure inquiétante, parce qu’on ne distingue pas assez où elle tend.

En tout cas, elle prolonge en Orient un état de choses qu’il serait de l’intérêt général de faire cesser. Et si cela est vrai des négociations toujours pendantes en vue de mettre fin au conflit turco-grec, cela ne l’est pas moins des affaires de Crète. Là encore, la politique particulière de l’Angleterre tient tout en suspens.

Les dépêches de la Canée annonçaient, il y a quelques jours, que les amiraux proposaient de lever le blocus sur les côtes de l’Ile. Pourquoi cette proposition ? On ne peut l’expliquer que par la fatigue qui s’empare de tout le monde, et à laquelle les amiraux eux-mêmes n’échappent peut-être pas. L’obligation où ils se trouvent de procéder depuis si longtemps à un blocus que personne ne cherche à forcer, du moins en apparence, les énerve et les ennuie. Pourtant, si le blocus a été nécessaire à un moment quelconque, il l’est aujourd’hui autant que jamais. Sans doute, on n’a pas à craindre le débarquement de quelque colonel Vassos. L’équipée du premier a eu trop peu de succès pour être renouvelée de sitôt. Le gouvernement hellénique n’a, pour le moment, aucune velléité de recommencer une expédition crétoise. Mais ce serait une erreur de croire que les comités révolutionnaires, qui existent en Grèce et en Crète et qui ont pour objet de poursuivre l’annexion de l’île, ont désarmé. S’ils ont ralenti leur action, ils ne l’ont pas interrompue. Malgré le blocus lui-même, les relations entre l’Ethniké Etaïria et les insurgés sont restées à peu près les mêmes. On comprend de part et d’autre la nécessité de stopper, mais on ne renonce pas à des espérances dont la réalisation paraît seulement