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gens instruits, mais en général d’humeur un peu trop austère, à la façon des théologiens les plus sourcilleux » ; il était, au contraire, émerveillé des trésors des collections anglaises. Ainsi qu’il l’écrivait à P. Dupuy (8 août 1629) : « l’île où je suis maintenant me paraît un théâtre bien digne de la curiosité d’un homme de goût, non seulement à cause de l’agrément du pays, de la beauté de la race, de la richesse de l’aspect extérieur qui me paraissent au plus haut degré le propre d’un peuple riche, heureux de la paix profonde dont il jouit ; mais aussi à raison de la quantité incroyable de tableaux excellens, de statues et d’inscriptions antiques que possède cette cour. Je ne vous parlerai pas ici des marbres d’Arundel que, le premier, vous m’avez fait connaître, et je confesse n’avoir jamais rien vu de plus rare en fait d’antiquités que les traités entre Smyrne et Magnésie, avec les décrets de ces deux cités. J’ai grand regret que Selden, à qui nous devons cette publication, se soit détourné de ces nobles études pour se mêler à des dissensions politiques, occupation qui me paraît s’accorder si mal avec l’élévation de son esprit et l’étendue de son savoir, qu’il ne doit pas accuser la fortune quand, après avoir provoqué dans des troubles séditieux la colère d’un roi indigné, il a été jeté en prison avec d’autres membres du Parlement. »

Rubens, lorsqu’il parle ainsi, ne semble pas se douter de la situation intérieure de l’Angleterre ; et cependant, peu de temps auparavant, frappé de la légèreté et de l’insolence de Buckingham, il prédisait avec une clairvoyance en quelque sorte prophétique les terribles conséquences que la politique du favori de Charles Ier pouvait entraîner pour la royauté elle-même. Les événemens avaient marché depuis lors, et John Selden, que Rubens connaissait surtout comme archéologue, avait été amené, comme jurisconsulte et membre du Parlement, à protester contre les empiétemens de la couronne, en s’opposant à une levée d’impôts qui lui semblait illégale. Incarcéré au commencement de 1629, il ne devait être rendu à la liberté qu’en 1634. C’était assurément un des érudits avec lesquels Rubens aurait eu le plus de plaisir à s’entretenir, car, l’année d’avant, Selden avait publié une traduction avec commentaires de toutes les inscriptions que contenait la célèbre collection du comte d’Arundel[1]. Rubens, qui avait peint pour ce dernier l’admirable portrait de famille qui appartient à la

  1. Marmora Arundeliana ; Londres, 1628, in-4o. Ces marbres sont aussi connus sous le nom de marbres d’Oxford.