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Traité de la Peinture[1], nous apprend que « les huit tableaux de dimensions et de sujets très différens que Rubens avait apportés pour Sa Majesté le Roi très Catholique se trouvaient exposés avec d’autres œuvres remarquables, dans la Nouvelle Salle du Palais, » et si l’inventaire officiel de 1630 confirme ce témoignage en nous donnant les noms de onze tableaux de Rubens placés dans cette salle, connue sous le nom de Salon des Glaces (Salon de los Espejos), un autre inventaire dressé en 1686 montre que déjà à cette date ces tableaux avaient été pour la plupart remplacés par d’autres, ce qui tendrait à prouver qu’ils n’avaient pas été si goûtés par Philippe IV[2].

Peut-être Rubens, en les choisissant pour le roi, avait-il un peu trop cédé à l’impression que lui avait laissée son premier voyage, relativement au peu de goût de la cour d’Espagne en matière d’art, alors que Philippe III et le duc de Lerme prenaient pour des originaux les copies que le duc Vincent de Gonzague leur envoyait en cadeau. Mais si, depuis lors, l’Espagne au point de vue de sa puissance et de son prestige extérieur n’avait pas cessé de décliner, la culture de l’esprit et la pratique même des arts s’y étaient, en revanche, singulièrement développées. A côté de poètes comme Calderon et Lope de Vega, on y comptait des sculpteurs et des peintres tels que Montañes, Alonso Cano, Zurbaran et Velazquez. Philippe IV était lui-même un dilettante et un connaisseur très éclairé ; il avait même appris à peindre et à dessiner sous la direction d’un dominicain, le P. Maino. Dès l’arrivée de Rubens, il le faisait installer dans son palais, où un atelier était disposé pour lui, et il chargeait Velazquez de lui fournir toutes les facilités désirables en vue de l’accès des collections royales ou de l’exercice de son art. Aussi le maître s’était-il mis aussitôt à l’œuvre. « Ici comme partout, écrivait-il à son ami Peiresc (2 décembre 1628), je m’occupe à peindre et j’ai déjà fait le portrait équestre de Sa Majesté, qui m’en a témoigné son approbation et son contentement. Ce prince montre un goût extrême pour la peinture et, à mon avis, il a des qualités très remarquables. J’ai déjà pu l’apprécier personnellement, car comme je suis logé dans son palais, il vient me voir presque chaque jour. J’ai aussi fait, fort à mon aise, les portraits de tous les membres de la famille royale qui ont posé complaisamment devant moi, pour

  1. Arte de la Pintura, I, p. 132.
  2. C. Justi, Diego Velazquez, I, p. 241.