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concilier les bonnes grâces d’Olivarès. Il est permis de croire que c’est dans cette intention que peu de temps auparavant il faisait graver par P. Pontius le portrait du ministre espagnol exécuté d’après une de ses peintures. La collection Kums à Anvers possède cet ouvrage, — un charmant petit panneau, entièrement de la main de Rubens, — qui rappelle le portrait de Longueval, de la galerie de l’ermitage, exécute ; quelques années auparavant dans des conditions analogues, en vue de la gravure de Vorsterman. C’est une grisaille singulièrement habile dans laquelle les accessoires groupés autour du médaillon central ont été traités avec un soin minutieux. Quant au portrait placé dans le médaillon, c’est une tête quelconque, brossée d’une façon très expéditive et n’offrant aucune ressemblance avec les traits d’Olivarès. Ainsi que l’indique l’inscription de la gravure de Pontius : Ex arche-typo Velazquez, P. P. Rubenius ornavit et dedicavit, cette tête y a été remplacée par la reproduction d’un portrait peint ou dessiné par Velazquez pour servir de modèle au graveur[1], et c’est probablement en vue d’obtenir l’envoi de ce portrait qu’une correspondance s’était établie entre les deux artistes, ainsi que nous l’apprend Pacheco. Des vers très louangeurs composés par Gevaert pour le cartouche mis au bas de la planche de Pontius et dans lesquels le poète vante à la fois le savoir et les vertus du comte-duc ne laissent aucun doute sur l’intention qu’avait Rubens d’être agréable à ce personnage avec lequel il allait bientôt entrer directement en relations.


II

Tout occupé qu’il était par les négociations auxquelles il venait de prendre une part aussi active, le maître ne cessait pas de consacrer à son art tous les instans qu’il pouvait dérober à la politique. On sait que c’est à ce moment qu’il peignit les ébauches de plusieurs des compositions qui devaient figurer dans la galerie de Henri IV. C’est aussi à cette époque, — et avant son départ pour l’Espagne, — qu’il convient de rapporter l’exécution d’une

  1. Le panneau de la collection Kunus n’est pas daté, mais il a été peint certainement avant le départ de Rubens pour l’Espagne ; autrement ce dernier, au lieu de recourir à l’aide de son confrère, aurait pu lui-même peindre à Madrid ce portrait d’après nature. Une copie de la gravure de Pontius par Merian se trouve d’ailleurs en tête d’une édition de Pétrone, dédiée à Olivarès et publiée à Francfort dès 1629.