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nécessairement souffrir de ce que les ambassadeurs soient obligés de conférer pour des propositions d’une telle gravité avec un homme de si médiocre condition. Si le pays d’où viennent ces propositions doit rester libre dans le choix de l’intermédiaire et s’il n’y a aucun inconvénient pour l’Angleterre à ce que cet intermédiaire soit Rubens, ce choix est pour nous tout à fait regrettable. » Tout en cédant, ainsi qu’il convenait, à cette mise en demeure, Isabelle, qui appréciait fort la capacité et le dévouement de Rubens, répondait très judicieusement à son neveu que « Gerbier aussi était peintre et que le duc de Buckingham, en l’envoyant auprès d’elle, l’avait cependant accrédité par une lettre écrite de sa main, en le chargeant de s’aboucher avec Rubens, qu’il importait peu, au surplus, que les négociations fussent entamées par tel ou tel ; car, s’il y avait lieu de pousser les choses plus avant, il était clair que ce soin serait remis à des personnages plus autorisés. Elle se conformerait, du reste, aux ordres du roi et chercherait autant que possible à continuer les négociations, mais sans rien conclure (22 juillet 1627). »

Il semblerait, en vérité, que Rubens eût connu les préventions que son ingérence en cette affaire excitait à la cour d’Espagne ; en tout cas, il les avait certainement pressenties, car peu de temps avant que Philippe IV exprimât à l’Infante son mécontentement, il tenait à justifier l’efficacité de son intervention afin d’en assurer le maintien. Deux mois avant, en effet, le 19 mai 1627, il écrivait secrètement à Gerbier de tâcher, dans le plus grand mystère, d’obtenir de Buckingham que celui-ci réclamât comme très utile la prolongation de ses bons offices, mais bien entendu sans souffler mot de la démarche qu’il faisait et comme si c’était de la part du duc l’expression spontanée de son désir. Pour plus de sûreté, Rubens, revenant à la charge, priait en post-scriptum Gerbier « de brusler sa lettre aussitôt qu’il s’en seroit servi ; car elle le pourroit ruyner près de ses maîtres, encore qu’elle ne continst aucun mal ; pour le moins, elle gasteroit son crédit auprès d’eux et le rendroit inutile pour l’advenir. » Les choses ayant tourné à son gré, il avait été convenu que le retour de Gerbier à Bruxelles pouvant éveiller les soupçons, Rubens irait le retrouver en Hollande où, dès le mois de juin, l’agent du duc de Buckingham s’était rendu en même temps que lord Carleton, car ce dernier, après avoir un moment quitté la carrière diplomatique, venait d’être chargé de plusieurs missions, d’abord en France en 1626,