Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 143.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conséquent les prix ne s’élevassent au-delà de ce qu’ils furent alors.

Mais il est peu probable qu’il en doive être ainsi. Tout d’abord il est à remarquer que la production est moins inégalement répartie aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a six ans ; les pays importateurs pris dans leur ensemble, c’est-à-dire la majorité des pays européens, réclament un apport moindre : par conséquent les craintes y seront moins vives ; des mesures comme celles de 1891, qui ont certainement contribué à la hausse en créant à un moment donné une sorte de panique, sont peu probables : la Russie aura environ 30 millions d’hectolitres à exporter, et les dispositions en France sont telles que le droit de 7 francs y pourra sans doute être maintenu : l’écluse ne s’abaissant pas, il ne nous arrivera que les quantités de grains dont nous aurons réellement besoin pour manger jusqu’à notre récolte de 1898 ; nous ne serons pas submergés sous un flot d’importation introduit chez nous à la faveur d’un abaissement temporaire du droit, avec l’espoir de revendre ensuite les mêmes marchandises plus cher lorsque le droit plein aurait été rétabli à la frontière. Il n’est pas téméraire de dire qu’un excès d’importations en 1891 a longtemps pesé sur les cours en France.

Autant qu’il est permis de hasarder une évaluation quelconque dans un domaine où tant de facteurs, non seulement matériels, mais d’imagination, entrent en ligne de compte, on peut donc s’attendre au maintien approximatif des cours jusqu’à la campagne prochaine, et cela indépendamment de tout ce qui se produira sur le marché du métal argent. Celui-ci pourra remonter à un niveau supérieur à celui où il vient d’être précipité ; il pourra, au contraire, accentuer sa chute et arriver à des cours où la plupart des producteurs déclareront qu’ils travaillent à perte : le cours du blé se réglera sur les approvisionnemens du monde, sur les besoins réels des consommateurs, sur le désir plus ou moins raisonnable qu’auront les spéculateurs et les négocians de constituer ou de reconstituer des stocks, sur les probabilités des récoltes de l’hémisphère austral, de l’Australie, de la Plata, dont il va être question au cours du second semestre de l’année ; un peu plus tard, au printemps prochain, sur les pronostics de la récolte de l’hémisphère boréal en 1898. Mais ni les laboureurs ni les marchands ne songeront à consulter la cote de l’argent fin à Londres pour en faire dépendre leurs opérations d’ensemencement, de vente ou d’achat ; et ils seront fort avisés de n’y prêter aucune attention.