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effectivement l’étalon d’or, auquel la loi Herschell a préparé les voies en assignant une valeur en or à la roupie : mais l’exécution d’une pareille réforme n’est pas l’œuvre d’un jour, quoique l’accroissement notable de la production d’or annuelle dans le monde soit de nature à la faciliter singulièrement.

A une autre extrémité de l’Asie, le Japon vient d’accomplir une révolution plus radicale encore que celle des Indes. Non content de suspendre la libre frappe de l’argent, il a décrété l’établissement immédiat de l’étalon d’or et procède à la frappe de yens d’or qui pèsent environ trente-deux fois moins que les yens d’argent. C’est encore un point de ressemblance entre le Japon victorieux et l’Allemagne qui, elle aussi, a profité de ses triomphes de 1870 et de l’indemnité de guerre qui lui fut payée pour réorganiser son système monétaire sur la base du métal jaune.

Voilà donc un débouché de plus qui se ferme à l’argent, une raison de plus de croire à sa disparition définitive et irrévocable comme monnaie libératoire chez les peuples civilisés. La Chine s’en sert bien toujours : mais il importe d’observer qu’elle pratique le troc direct des marchandises contre des lingots, beaucoup plus que leur vente contre des espèces monnayées.

Reste l’Afrique, où les Arabes thésaurisent volontiers en argent, où les Ethiopiens se servent de l’antique thaler d’argent de Marie-Thérèse, le taluris qu’on frappe encore aujourd’hui en Autriche pour l’exporter sur les côtes de la Mer-Rouge. Mais l’Egypte, le Cap, le Transvaal sont à l’étalon d’or, et la livre sterling pénétrera dans le continent noir avec la civilisation, de même qu’elle a fait en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Telle est à grands traits la géographie monétaire de notre globe. Les sources auxquelles s’alimentait jusqu’ici la circulation métallique étaient les mines d’or et celles d’argent. La production des premières n’a pas cessé de trouver un débouché illimité dans les hôtels des monnaies ou dans les caves des grandes banques d’émission, qui acceptent des lingots aussi volontiers que des disques monnayés pour servir de gage à leurs billets. Il n’en va pas de même des mines d’argent. Récemment la Russie a bien fait frapper une quantité importante de monnaies divisionnaires. Mais ce besoin temporaire et limité est aujourd’hui à peu près satisfait, en sorte qu’il y a lieu, plus que jamais, de se demander où vont aller les tonnes de métal blanc extraites des innombrables exploitations qui les fournissent.