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forme d’écus de cinq francs dans l’Union latine, de thalers en Allemagne, d’anciennes monnaies d’argent qui sont investies de la plénitude du pouvoir monétaire : mais le montant en est irrévocablement limité. En Amérique, le Canada a l’étalon d’or ; les États-Unis ont, depuis 1893, suspendu les achats de métal blanc qui menaçaient de submerger peu à peu leur circulation dans des flots d’argent. Parmi les Républiques du Sud, les unes, comme l’Argentine et le Brésil, souffrent des maux qu’engendre le papier-monnaie ; le Chili lutte énergiquement pour rétablir la fixité du change ; le Pérou lui-même abandonne l’étalon d’argent ; de minuscules Républiques, comme le San-Salvador, annoncent qu’elles vont se mettre au régime de l’étalon d’or ; nulle part, sauf au Mexique, la libre frappe de l’argent ne subsiste ; et nous ne serions pas surpris de voir le Mexique lui-même franchir un de ces jours le pas décisif et supprimer cette loi monétaire qui fait de lui une exception à peu près unique parmi les nations civilisées. Il faut reconnaître qu’il était d’autant plus naturel que ce pays restât plus longtemps attaché à l’argent que, d’une part, il est un des grands producteurs d’argent du monde, et que, d’autre part, sa piastre n’est pas seulement une monnaie indigène, mais constituait, jusque dans les derniers temps, une sorte de monnaie internationale, particulièrement recherchée en Asie.

Le continent asiatique était, il y a peu d’années encore, le domaine propre de la monnaie blanche, ce qui faisait dire à M. Léon Say que les hommes jaunes se servaient de la monnaie blanche, alors que les blancs affirmaient chaque jour davantage leur préférence pour la monnaie jaune. La Chine, le Japon, l’Inde, dont les populations réunies représentent la moitié du genre humain, ne connaissaient que l’argent : la première surtout sous forme de lingots, le Japon avec son yen, l’Inde avec sa roupie. C’était l’usage à peu près exclusif de ce métal par ces centaines de millions d’individus qui rendait perplexes les économistes et les hommes d’Etat et les amenait à se demander, avec quelque inquiétude comment s’établiraient ou plutôt se poursuivraient dans l’avenir, les relations commerciales entre ces régions et l’Europe. Mais le problème, qui semblait à plus d’un insoluble, s’est dénoué avec une facilité, une rapidité invraisemblables et inattendues des plus optimistes.

En 1893, quelques mois avant que les Etats-Unis aient définitivement renoncé à leur expérience bimétalliste, le