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jusqu’à Port-Arthur par Newchang et Ta-lien-wan ; dès lors un simple embranchement reliant Newchang à la ligne de Mandchourie par Moukden et Girin suffira pour amener les wagons russes du Transsibérien jusqu’à Port-Arthur et Pékin.

Il serait superflu d’insister sur la révolution économique qui résultera de l’achèvement de ces chemins de fer et sur les avantages qu’en retirera la Russie. De Pékin en Europe on mettra vingt jours, tandis qu’il en faut trente-cinq par le Transcanadien et quarante-cinq par Suez. Les marchandises utiliseront d’autant plus volontiers la nouvelle voie que, depuis quelques années, les chemins de fer russes ont abaissé leurs tarifs des trois quarts ; le prix des transports est devenu environ le quart de ce qu’il est en France. Le gouvernement du Fils du Ciel a consenti en faveur de la Russie à la suppression presque complète des droits sur les marchandises qui sortiront par ces voies ferrées, tandis que, à l’instigation des agens russes, il cherche à les élever sur les produits exportés par mer. Ainsi la Chine va s’ouvrir du côté de la terre et se fermer du côté de la mer.

Des faits nouveaux sont venus grandir encore les espérances des Russes et aviver le mécontentement de leurs rivaux : la conclusion de la paix sino-japonaise provoqua dans tout l’Extrême-Orient un réveil d’activité et d’ambitions. Japonais et Européens crurent que toutes les barrières allaient tomber, que le mystérieux Cathay allait enfin s’ouvrir et que leurs bateaux, remontant les grands fleuves, leurs chemins de fer, pénétrant dans les provinces les plus reculées, allaient porter jusqu’au cœur du Céleste Empire la civilisation étrangère. Ces illusions durèrent peu ; la Chine resta fermée ; nulle part, la Grande Muraille ne s’abaissa.

Ne pouvant pénétrer en Chine, les « Barbares » cherchèrent à favoriser la sortie des marchandises chinoises ; ils furent amenés à s’occuper du Transchinois. Avec une hâte fiévreuse, on étudia des plans, on prépara des projets, on entama des négociations pour la construction d’une ligne qui relierait Pékin à Hankow, sur le Yang-tse, centre de la production des thés, marché économique de premier ordre. Les Russes comprirent qu’ils allaient être prévenus et que, cette fois encore, les événemens avaient devancé les calculs des hommes d’Etat. Ils aperçurent enfin quels avantages assurerait au Transsibérien la construction du Transchinois. En terminant leur grande ligne asiatique dans un port où les marchandises n’afflueraient que si elles y étaient apportées