faire son devoir… Mais quand on pense à ceux qui meurent, à la douleur de ceux qui les ont aimés, en son âme et conscience, ne suffit-il pas d’accepter ce fléau, sans le désirer ?
Lacoste, le visage assombri, parut contempler, au loin dans la nuit, des arbres, le pays, la chaumière des siens. Peut-être, à travers la cruelle insomnie des vieillards, ruminaient-ils ces bruits d’alarmes, en songeant à l’absent :
— On ne meurt qu’une fois ; déclara-t-il ; et de mort plus belle, je n’en connais pas.
Il leva ses yeux candides et, d’un ton religieux :
— Dieu nous la donne !
Amen ! dit mentalement Du Breuil, ému partant de conviction. Il hasarda pourtant :
— Se battre est bien, mais il faut vaincre. On a beau compter sur le succès : en haut lieu, on est inquiet.
Lacoste sourit avec un peu d’amertume :
— Il y a une chose plus importante que le nombre, c’est la valeur, et une autre chose encore : la force morale.
— La valeur, dit vivement Du Breuil, nous l’avons !
Lacoste se leva. Il parut très grand. Son ombre gagnait le plafond.
— La force morale, que chacun la porte en soi, dit-il, et tout ira bien !
— Ma foi, conclut Du Breuil en se renversant dans son fauteuil, je ne sais quel taon m’a piqué, ce soir. Il y a des jours comme cela, où l’on s’inquiète sans motif. Pourtant, mon vieux, ce n’est pas la guerre qui nous effraye. On en a vu bien d’autres, on se débrouillera.
Un pas hésitant s’arrêta devant la porte.
— Entrez ! cria Lacoste.
Gouju parut, porteur du falot.
— Minuit et demi, mon capitaine.
Lacoste déclara :
— Il faut que je fasse ma ronde… M’accompagnes-tu ?
Il avait endossé sa veste bleue, bouclé son sabre.
— Tout de même, dit Du Breuil. Je n’ai pas sommeil.
Ils descendirent, aperçurent par une porte entr’ouverte l’enfilade des chambres. Dans la cour, de grands fantômes blancs, jambes nues, s’en allaient aux baquets. On sentait la caserne pleine d’hommes et de chevaux ; le silence en était lourd, l’air