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affaiblir la portée. Elle aurait une conséquence encore plus fâcheuse. La malveillance, au dehors, ne manquerait pas de dire que nous nous contentons trop aisément de démonstrations retentissantes, et que tous nos vœux en sont comblés. En même temps elle produirait chez nous un effet tout contraire en exaltant l’imagination populaire, et en la portant à demander à l’alliance russe ou à attendre d’elle autre chose que ce qu’elle peut nous donner. Cette alliance, qui nous est si précieuse, a besoin d’être ménagée et ramenée à son principe initial. Il était bon qu’elle fût connue de l’Europe, quelle devînt un fait patent, indéniable, incontestable : désormais cela est acquis. Depuis qu’elle existe, la physionomie du continent s’est modifiée, et les garanties de paix ont augmenté. Nous devons maintenant reprendre notre tâche laborieuse et silencieuse. Nous savons que nous avons un allié dans le monde, un allié puissant comme nous le sommes nous-mêmes, qui nous a fait et auquel nous avons fait du bien, auquel nous pourrons en faire et qui, à son tour, nous en fera sans doute encore. Nous gardons le souvenir reconnaissant des témoignages d’amitié qui nous ont été donnés par le peuple russe et par son souverain : ces choses-là ne se perdent pas dans la conscience française. L’avenir nous paraît meilleur et le présent plus sûr : mais c’est à nous qu’il appartient d’y pourvoir.


Toutes les fois que nous avons à parler des affaires d’Orient, c’est pour signaler un nouvel ajournement qui en renvoie la solution à un jour indéterminé. On nous permettra de médire un peu du concert européen, puisque d’ailleurs nous le reconnaissons nécessaire et que nous le subissons. Il ressemble à ces diètes polonaises où l’opposition d’un seul suffisait pour tout empêcher. Lorsqu’on est ou qu’on croit être sur le point de s’entendre, un membre du concert, tantôt celui-ci, tantôt celui-là, émet une proposition inopinée, et tout se retrouve en suspens. Il y a quinze jours, c’est l’Allemagne qui avait fait une proposition de ce genre ; hier c’est l’Angleterre qui intervenait, et il en résulte un nouveau délai après tant d’autres. Sera-ce le dernier ?

On se souvient que l’Allemagne, mue par une préoccupation on somme assez légitime, demandait que l’évacuation totale de la Thessalie fût subordonnée à des garanties données par la Grèce à ses anciens créanciers. La question du contrôle à exercer sur les finances helléniques se trouvait ainsi posée, et l’Allemagne entendait qu’elle fût réglée avant l’évacuation intégrale de la Thessalie : quelques points stratégiques devaient rester provisoirement entre les mains ottomanes.