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pyrogravure sur bois ou sloyd sont surtout à la mode à Stockholm et occupent de véritables artistes ; c’est dans une école de sloyd que Hasselberg fit son apprentissage. Ce sont des genres que transforme chaque jour le goût inventif des Suédois. Cette année même, un sculpteur de talent connu à Paris, Mme Vallgren, a renouvelé complètement l’art de la reliure en imaginant un procédé qui permet de modeler et de patiner le cuir ainsi qu’une cire : elle exposait au Salon du Champ-de-Mars quelques couvertures tout à fait curieuses ; l’une, destinée au livre de M. Arsène Alexandre sur Carriès, est d’un effet remarquable ; debout à côté d’un four de potier flambant entouré de vapeurs rousses, une femme, Muse ou gloire, emplit de fleurs à longues tiges un vase de Carriès. L’ensemble des lignes est harmonieux et n’a pas la dureté des ciselures ; des tons chauds, discrets, transparaissent à travers les reliefs et complètent l’effet. C’est une forme nouvelle et très heureuse de cet art de décoration traditionnel en Scandinavie.


VII

On ne peut donner une conclusion absolue de cette étude sur un mouvement d’art aujourd’hui en activité croissante. Nous pouvons toutefois remarquer qu’un attachement étroit au pays d’origine et au milieu national paraît la condition essentielle d’une production puissante et originale de l’art suédois. Sans doute les passages successifs des artistes Scandinaves à travers les écoles européennes ne leur furent pas inutiles : ils acquirent une sûreté de métier et de goût que donne seul un travail poursuivi pendant des générations, qui les préserva des bizarreries et des incohérences où fut entraîné parfois l’art sans passé des Etats-Unis ; et il est naturel que les élèves de l’Académie de Stockholm passent quelques années d’étude dans les ateliers d’Allemagne ou de France : ils y trouvent un enseignement technique précieux qui leur permet de mettre à profit, avec une sûreté plus grande, les facultés naturelles qu’ils possèdent ; souvent encore ils prennent conscience de la propre originalité en étudiant la pensée des artistes étrangers : et ce sont là des résultats inappréciables. Mais il faut qu’ils sachent s’évader à temps et retournent franchement à l’inspiration locale, tandis qu’ils sont capables de lui vouer un talent