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des intérieurs, le centre de leurs études est quelque épisode de la vie journalière, autour duquel ils se préoccupent peu de multiplier les détails pittoresques. Les femmes de Bergh cousent, brodent, soignent leurs enfans ; Pauli nous montre une chambre de malade, vide, banale : dans un coin, un lit à côté duquel pleure une vieille femme ; pas d’accessoires, nulle complication de décor. Les Suédois peignent ce qu’ils voient ; il est rare qu’ils inventent un ensemble artificiel : ils préfèrent trouver des motifs composés dans la réalité. Ils n’ont point l’idée qu’un tableau puisse être la démonstration d’une hypothèse philosophique ou morale : rien n’est plus loin de leur conception que les derniers tableaux de M. Jean Béraud.

Leur effort n’est pas moins résolu pour résister à l’entraînement de leur sensibilité naturellement expansive : ils se gardent d’exagérer l’importance de leur émotion. Si quelqu’un de leurs personnages souffre, ils ne représentent point autour de lui le jour assombri et la nature imprégnée de tristesse : ils veulent que le sentiment soit aussi juste que le fait est vrai et le cadre exact. Et ils choisissent des vérités simples pour avoir chance de les transposer en toute fidélité.

Nous avons vu que leurs procédés sont en accord avec leurs théories : ils ont pour l’aquarelle une préférence générale : ils aiment les tons clairs, définitifs qu’on ne peut raturer au hasard des changemens d’idées : leur peinture s’en rapproche constamment, faite de pâte légère étalée en minces transparences. Dans la gravure ils apportent la même précision, le même éloignement du flou et de la grisaille : toutes qualités d’exécution qui sont la conséquence directe de leur intelligence du réalisme.

Cette interprétation personnelle des théories de notre école est singulièrement heureuse : les peintres suédois ont enfin trouvé le logique emploi de leurs facultés naturelles et des ressources artistiques de leur pays. On ne peut dire quels seront les résultats définitifs du mouvement actuel : les œuvres déjà accomplies, le succès grandissant de Larsson et de Zorn, ont prouvé du moins sa légitimité.


VI

La sculpture suédoise nous apparaît pauvre à côté de ce développement simultané de tous les genres de peinture : la