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contrainte imposée à sa verve vagabonde : et on remarqua justement, en 1889, le naturel et la précision des figures allégoriques de ses fresques. Ses paysages déconcertent parfois les critiques parisiens qui voient une invraisemblance dans ces lumières qui nous sont inconnues : il n’est qu’une observation faite en Scandinavie pour en constater la continuelle évidence. Larsson a peint des réalités : mais il a choisi d’instinct celles qui paraissent plus immatérielles et légères : il ne fournit point de documens qu’on ait l’envie de discuter : il exprime simplement le charme vrai de son pays.

Zorn <[1] nous révèle à travers son œuvre un tempérament très dissemblable. Il a l’invention moins ingénieuse et la réflexion plus appliquée ; il a moins d’idées et s’y attache davantage : on sent en lui une volonté constante de pénétrer très avant dans les sujets et d’en extraire l’expression totale. Et il ne se contente pas de motifs sans signification définie, ne valant que par une beauté muette : il veut que ses tableaux aient pour centre un fait simple, banal même, mais nettement indiqué. Tous ses ouvrages prouvent une intention réaliste très accentuée, qui est sensible même dans ses procédés : sans doute il a ce coloris limpide, tout en surface, qui caractérise la peinture suédoise : mais, chez lui, les effets sont plus appuyés, les nuances moins minutieuses et chatoyantes : il se résignerait à faire gros pour être plus sûr de faire vrai. C’est dans cet esprit qu’il a resserré sa manière à mesure qu’il était plus maître de son métier : dessinateur au crayon moins mordant et moins gracieux que Larsson, il ramasse son effort en un but précis et atteint une expression plus frappante. Ses œuvres ont un accent de vérité qui saisit : détail à rappeler, Zorn obtint un succès tout à fait particulier à l’exposition des Etats-Unis. C’est un talent fait de simplicité et de vigueur.

Zorn a débuté par une série d’aquarelles et de croquis de France et d’Espagne ; ce sont des études de plein air et de types pittoresques où il se préoccupe surtout de rendre le détail des lumières. Son premier tableau, qui est au Luxembourg, représente un matelot et une jeune fille debout dans le double éclairement du jour finissant et des premiers rayons de lune. Dès son retour en Scandinavie, il revient à l’aquarelle et donne, entre de nombreux paysages, deux compositions d’une inspiration très personnelle. La première, intitulée Mona, est une étude d’un

  1. Né en Dalécartie en 1860.