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de la Grèce ou de Rome : ils représentaient des conceptions plus simples, et leur divinité n’était, le plus souvent, qu’un grandissement en tous sens de la nature humaine : leur autorité est faite avant tout de force qui ne va pas sans brutalité : ils se battent sans cesse et ils boivent beaucoup. Entre eux, pas de hiérarchie, pas d’hérédité minutieusement expliquées. Ils symbolisent les quelques idées directrices qui s’imposent à tous les peuples : chacun remplit jusqu’au bout son rôle, ils vont tout droit, leur action est franche et leurs rapports avec l’humanité dépourvus d’ingéniosité ; ils ignorent la légèreté malicieuse des habitans de l’Olympe ; ils n’ont pas d’esprit. En ce sens, Odin et Tor, d’une bonté et d’une violence également naïves, sont d’une moralité supérieure aux dieux de l’antiquité classique. Et puis, quels qu’ils soient, on a cru en eux ; pendant plusieurs siècles, des hommes ont invoqué ou maudit leurs noms : il faut que l’artiste, fixant leur mémoire, sache justifier cette confiance ou cet effroi.

Fogelberg a su donner à chacune de ses figures une grandeur singulière. Odin, — l’Intelligence et la Puissance — est dressé dans un mouvement majestueux, le bras droit s’appuyant sur une courte lance d’un geste de domination, le front dégagé sous un casque massif, une fierté tranquille dans les yeux. Tor, — la Force et la Lutte, — semble surpris dans un élan, poing fermé, genou ployé, les muscles saillant sous l’effort, le marteau prêt à s’abattre. Et, dans le regard de Balder, — l’Innocence et la Bonté, — paraît une douceur résignée, un peu triste, que Gustave Planche rapprochait des premières images chrétiennes. L’intérêt de cette œuvre est d’autant plus rare que Fogelberg a su donner l’expression artistique d’un sentiment confus et lointain mort depuis des siècles : son imagination a ranimé le passé légendaire de la Suède ; son talent a été assez fort pour réaliser l’impression vivante que son rêve avait évoquée, et nous l’imposer comme définitive.

Le peintre Höckert avait quitté l’Académie de Stockholm pour aller terminer ses études à Munich, où il passa trois ans : il fait alors un voyage dans la Scandinavie septentrionale, pendant lequel il recueille de nombreux croquis de paysages et de types lapons. Il est bien décidé à être avant tout un peintre d’histoire, et quand il arrive à Paris en 1851, c’est pour entreprendre une Reine Christine ordonnant le meurtre de Monaldeschi. Exposé