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C’est à Etienne de Bonneuil, mandé de Paris à la fin du XIIIe siècle, que la Suède demanda les plans de la cathédrale d’Upsal.

Jusqu’au XVIIe siècle, l’histoire de l’art en Suède n’est faite que de semblables interventions étrangères : des architectes, des peintres sont engagés pour une entreprise et quittent le pays, leur tâche achevée. L’activité du pays est épuisée par la lutte soutenue contre le Danemark et la Russie. La Suède se défend ; au milieu de ses belliqueuses occupations, à peine a-t-elle quelque soupçon de la fièvre d’art qui a secoué le monde.

C’est en bataillant encore qu’elle va pour la première fois se mêler directement au mouvement des idées européennes. La guerre de Trente ans éclate : Gustave-Adolphe promène ses bandes d’un bout à l’autre de l’Allemagne ; pendant quelques années, un contact immédiat va s’établir entre les Suédois et les peuples qu’ils combattent ou qu’ils soutiennent. A travers les productions de l’école allemande, ils entrevoient le mouvement général de la Renaissance. Suivant l’usage, ils font leur choix dans les trésors des villes vaincues. Les premières collections de la Suède se forment ainsi, composées des objets d’art que les gentilshommes de Gustave-Adolphe « sauvèrent » au cours de leurs expéditions, comme disait galamment le gardien d’un de ces musées conquis. Rentrés dans leurs domaines, les Suédois veulent abriter leurs richesses nouvelles dans des châteaux semblables à ceux où campèrent leurs victoires : en quelques années les escarpemens des fjords se hérissent de manoirs seigneuriaux qu’on croirait transportés de toutes pièces des bords du Rhin. Maintenant de véritables dynasties d’artistes étrangers s’établissent en Suède. Ils viennent surtout d’Allemagne ; ainsi David Klocker, anobli par Charles XI sous le nom d’Ehrenstrahl, et son neveu Kraff : ainsi les deux Tessin qui décorent les monumens de Stockholm et commencent la construction du Palais Royal ; un Français, Sébastien Bourdon, leur succède à la cour de Christine.

Le XVIIe siècle fut donc pour la Suède une période de simple éducation, où la production nationale est presque nulle. Dès le commencement du règne de Charles XII, les peintres suédois apparaissent nombreux ; mais ils vont demeurer étrangers à leur patrie et à leur race. Ils s’installent en France et se préoccupent seulement de se plier au genre nouveau qui s’établit. Sans tradition originale, ils s’assimilent les qualités et les défauts à la mode : précieux, sourians, gracieusement puérils, ils sont à l’aise