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route ombragée sur les bords du Tibre, sortant de la porte Angelica au pied de la villa Madama ? L’ancienne promenade des cardinaux est maintenant effondrée par les trains d’artillerie qui se rendent au fort dominant la colline déboisée !


III

Il faut s’arrêter, et savoir écouter ce que disent ceux qui veulent justifier ou excuser les changemens actuels, nous bornant toujours ici à les considérer au point de vue purement extérieur et esthétique. Constatons d’abord que les Italiens y sont beaucoup plus indifférens que les étrangers. Même parmi les plus ardens pour l’unité politique représentée par Rome capitale, le patriotisme local conserve tout son empire ; un Florentin, un Napolitain, encore mieux un Piémontais venu à la suite du gouvernement nouveau, n’a ni cure, ni soucis de la beauté de la ville des Papes. Puis, dira-t-on, il s’agit d’une de ces transformations profondes qui ne peuvent s’achever sans sacrifices. Ce n’est pas la première fois, ajoute-t-on, que Rome voit s’accomplir une de ces métamorphoses qui signalent l’ouverture des âges nouveaux. Rome n’est pas morte à la fin de l’empire romain, comme ces villes d’Orient que l’antiquaire a le plaisir de fouiller méthodiquement. Elle a continué de vivre non seulement de sa vie propre mais de cette vie générale qui est la trame variée de l’histoire. Elle a subi plusieurs renouvellemens, au début du moyen âge, au seuil des temps modernes ; et chaque fois on a vu la période naissante infliger à celle qui la précédait quelqu’un de ces dommages que les contemporains attachés à la tradition sont tentés de regarder comme des sacrilèges, en attendant que d’autres monumens et d’autres souvenirs acquièrent eux aussi la dignité de l’âge et tombent finalement à leur tour sous les atteintes des générations ultérieures.

C’est la loi de la vie. Cela est vrai, mais ce qu’il faut souhaiter et conseiller, c’est que chaque génération puissante au moment où s’inaugure une ère nouvelle respecte les ancêtres, et conserve autant qu’il est possible les témoignages subsistans du passé. Il y a les droits de la science ; il y a ceux aussi de l’art et de la beauté qui n’ont pas une moins grande part à cette éducation de l’humanité que le passé lègue à l’avenir. Jamais les droits de la science n’ont été mieux compris que de notre temps, et nous