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infligeant à la vente et à l’exportation des objets d’art des conditions draconiennes fort restrictives du droit de propriété.


II

La cause de la transformation de Rome ne peut évidemment se plaider que devant le tribunal de l’opinion ; n’est-ce pas une raison de plus pour qu’il soit permis d’exposer librement les griefs de ceux qui disent au municipe romain : Sous prétexte de faire de Rome une capitale digne du nouveau royaume d’Italie, vous défigurez la plus magnifique des cités historiques, qui en un certain sens, appartient aux autres peuples autant qu’à vous ?

Il y avait jadis, dans l’enceinte formée par les murs d’Aurélien, de vastes espaces non bâtis qui donnaient à Rome de poétiques solitudes, des oasis de verdure où se dressaient çà et là des ruines protégées par la solitude et le silence. C’étaient pour la plupart les lieux les plus habités de l’antique Rome devenus les plus déserts. Vous ne voulez plus de ces grandes beautés. A peine étiez-vous entrés dans Rome, vous songiez à faire un quartier nouveau dans cette admirable partie de la ville où s’élèvent, à côté du mont Testaccio, à l’ombre des cyprès du cimetière protestant, la pyramide de Cestius et la porte Saint-Paul. Au lieu des pittoresques chemins qui, au milieu des arbres, des cultures, conduisaient à quelque ruine, à quelque vieille église pleine de grands souvenirs, il n’y a plus que des terrains nus, des rues, des places tracées au cordeau : peut-on du moins justifier ce déplorable changement par une raison d’utilité publique ? Non ; de loin en loin s’élèvent quelques maisons misérablement habitées, d’autres inachevées, abandonnées, attestant l’inutilité de ces constructions et la ruine des spéculateurs qui les ont élevées.

Vous avez agi de même à travers tout le plateau de l’Esquilin, et voilà que les trophées de Marius, l’auditorium de Mécène, Saint-Eusèbe, sont confondus pêle-mêle dans les bâtisses modernes. Vous élevez des casernes jusqu’au pied du Colisée. L’amphithéâtre flavien n’a plus, ni ses autels ni sa croix, consacrant les souvenirs des martyrs, ni sa flore spéciale !

Les plus malheureuses constructions sont probablement celles des Prati. Cette vaste plaine comprend le nord-ouest de la ville sur la rive droite du Tibre, entre le château Saint-Ange, Saint-Pierre, la porte Angelica et le fleuve. On y accédait jadis du port