des Perses, et si nous connaissions la peinture du même temps, peut-être serions-nous frappés de différences plus sensibles encore. La même activité de pensée et d’invention se manifeste dans les changemens que subit alors l’éloquence. La sophistique en modifie profondément les procédés et l’esprit : non seulement elle lui fournit des armes nouvelles par les jours qu’elle lui ouvre sur les ressources du langage, mais elle lui enseigne qu’il n’y a que des apparences ; que l’homme est le contre et la mesure de tout ; que rien n’existe en dehors des opinions humaines ; que l’orateur doit donc ne s’attacher qu’au vraisemblable ; que son rôle est de créer des convictions passagères, des croyances appropriées aux besoins du moment, frêles édifices de certitude que lui-même pourra détruire, s’il le veut, de la même main légère et prodigieusement adroite qui en aura jeté les bases toutes provisoires.
On comprend le trouble qui s’empara des intelligences en présence de cet art qui niait l’absolu, qui défendait indifféremment le pour et le contre, et rendait acceptables les affirmations les plus contradictoires. Devant ces jongleries, que soutenait une prestigieuse dialectique, l’analyse se sentit bien vite impuissante ; et de ce sentiment naquit une vague terreur. Tant que la parole avait vaincu les âmes par des moyens aisément pénétrables, on n’avait pas songé à s’effrayer de ses succès ; du jour où le mystère plana sur sa tactique et où l’on ne vit que ses victoires, qui semblaient foudroyantes, elle parut une traîtrise et on en eut peur. Mais avec la peur, s’éveillèrent d’ardentes convoitises : ceux qui aspiraient à diriger les affaires brûlèrent d’apprendre des secrets qui conféraient une telle puissance, et ce sont ceux-là surtout que nous voyons se mettre à l’école des sophistes, ce sont ceux-là qui les entourent, impatiens d’être initiés à cette magie dont ils sont seuls à connaître les incantations et les sortilèges.
Il est facile de se convaincre, en lisant Platon, que ce fut là. la cause de la vogue extraordinaire de l’enseignement sophistique. Si ceux qui le donnaient n’avaient été que des spéculatifs, ils n’auraient point été suivis ni fêtés comme ils le furent ; mais c’était la pratique qui constituait leur domaine, et, dans la pratique, le gouvernement des hommes : c’est ce qui fit leur immense fortune. Quoi qu’il faille penser de leur morale, qui était la négation même de la morale, ils rendirent à l’hellénisme des services inappréciables par les horizons nouveaux qu’ils lui découvrirent et par