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qui pouvait gêner l’intimité de leurs rapports présens et futurs.

Là est tout le caractère de la mesure qui vient d’être prise. Elle ne prouve pas du tout que le gouvernement anglais ait l’intention d’entamer une guerre de tarifs contre l’Allemagne et la Belgique. Loin de là ! il se montre disposé à leur faire des propositions en vue de conclure des traités nouveaux, et ces traités, à l’exception de la clause qui visait les colonies, ressembleront probablement beaucoup aux anciens. Mais ils seront difficiles à établir, et rien ne prouve mieux l’importance attachée en ce moment par l’Angleterre à sa politique impériale que la résolution qu’elle vient de prendre. On sait qu’il existe en Allemagne un parti très puissant, qui le devient même de plus en plus, et qui se prononce contre le principe des traités de commerce. Ses prétentions protectionnistes ne connaissent aucune mesure. Il demandait naguère la dénonciation de tous les traités. En voilà un, et non des moindres, qui se trouve dénoncé par ailleurs ; on peut s’attendre à ce que le parti agrarien combattra par tous les moyens son renouvellement. En tout cas, l’Allemagne s’est posé depuis quelque temps comme règle de ne faire que des traités dénonçables le 1er’ janvier 1904 : on voit combien peu durables sont les nouveaux arrangemens qu’on peut espérer de faire avec elle. Il est clair, au surplus, qu’en s’assurant à elle-même dans ses colonies des avantages qui n’appartiendront plus aux autres nations, l’Angleterre bénéficiera pour l’importation de ses produits dans une grande partie du monde d’une préférence qu’on cherchera à lui faire payer par des compensations prises ailleurs. Tout cela rendra les négociations futures pénibles et laborieuses entre l’Allemagne et l’Angleterre, et l’Angleterre n’a pu se faire aucune illusion à ce sujet. Mais en ce moment, l’intérêt de l’impérialisme prime tout ; il éblouit et peut-être aveugle-t-il tous les yeux. Ce n’est pas une question économique qui est posée, c’est une question politique. L’expérience seule dira si le nouveau système colonial de l’Angleterre, avec le contre-coup qu’il ne manquera pas d’avoir sur ses relations ultérieures avec telle ou telle puissance, lui rapportera ou lui coûtera davantage.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.