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ses colonies, sans se préoccuper de l’autonomie déjà très développée qui appartenait à un assez grand nombre d’entre elles, et des difficultés, des impossibilités même qu’elle devait rencontrer plus tard pour y faire respecter des engagemens qu’elle avait pris en leur nom. L’expérience l’a rendue sur ce point plus circonspecte. Des traités comme ceux de 1862 et de 1865 seraient aujourd’hui impossibles à faire, et quand ils existent on les supprime. L’Allemagne, comme on devait s’y attendre, n’a pas manqué de revendiquer auprès du gouvernement canadien les avantages que lui assurait celui de 1865, à quoi le Canada a répondu qu’il ne connaissait pas ce traité, que c’était là res inter alios acta, qu’il n’était pas lié par des engagemens pris sans sa participation, et que les produits allemands continueraient de payer les chiffres du tarif plein. Mais l’Angleterre, elle, ne pouvait pas tenir ce langage ; elle ne pouvait pas dire qu’elle ne connaissait pas le traité de 1865 et qu’elle n’était pas liée par ses stipulations, et dès lors elle s’est trouvée placée dans l’alternative, ou de renoncer aux avantages que le Canada lui offrait et à ceux qu’elle espérait certainement obtenir par la suite de ses autres colonies, ou de dénoncer son traité allemand. La Belgique, qui avait sans doute prévu que la seconde solution prévaudrait, avait essayé d’échapper à ses conséquences en n’adressant aucune réclamation au Canada ; mais évidemment l’Angleterre ne pouvait pas dénoncer un des traités sans l’autre, puisqu’ils portaient tous les deux une clause identique, et elle s’est résolue à les dénoncer conjointement.

On a dit qu’il y avait là, de sa part, l’indication d’une politique économique nouvelle : cela n’est pas exact, au moins pour aujourd’hui. Peut-être le développement de l’impérialisme amènera-t-il un jour l’Angleterre à renoncer à ses doctrines libérales, si elle accorde par exemple à ses colonies un traitement de faveur qu’elle n’accorderait pas aux autres pays, et si elle entre dans la voie des tarifs différentiels. Mais on n’en est pas encore là. Le Canada se contente du droit commun. Il y trouve des avantages suffisans pour concéder à la métropole un traitement privilégié. Il entend seulement que d’autres puissances, par suite d’arrangemens qu’elles ont pu prendre autrefois avec l’Angleterre, ne profitent pas du même privilège. Il y a pourtant lieu d’espérer que nous en profiterons pour notre compte, car nous avons avec le Canada un traité direct qui nous accorde chez lui le traitement de la nation la plus favorisée. Mais l’Allemagne et la Belgique n’avaient de traité qu’avec l’Angleterre, et l’Angleterre a jugé à propos de supprimer entre elle et ses colonies cette interposition de tiers importuns