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Les négociations ouvertes entre le colonial office et les gouvernemens coloniaux, suivies de l’échange de vues qui a eu lieu à Londres au moment du jubilé de la reine, ont produit dès maintenant un résultat important en ce qui concerne le Canada. Le Canada a inauguré chez lui un régime douanier qui, si nous laissons de côté le chiffre même des tarifs, n’est pas sans analogie avec le nôtre, et peut-être faut-il reconnaître l’influence ou l’imitation de l’esprit français dans une innovation aussi contraire aux habitudes de l’esprit anglo-saxon. En deux mots, le Canada a établi chez lui le système du double tarif, du tarif général et d’un tarif de faveur : il offre ce dernier aux pays qui lui accorderont des avantages équivalons à ceux qu’il concède lui-même. Rien de plus simple que la manière dont il a établi son tarif minimum : il s’est contenté d’abaisser uniformément d’un quart tous les chiffres du tarif maximum. Cela fait, le Canada s’est tourné vers les autres puissances et il n’en a trouvé, pour le moment, que deux dont le libéralisme économique lui permît de leur attribuer ipso facto la jouissance de son tarif de faveur : ce sont l’Angleterre et la Nouvelle-Galles du Sud. L’Angleterre n’accorde et ne peut d’ailleurs, dans l’état de ses tarifs, accorder aucun avantage nouveau au Canada, mais le Canada en accorde à l’Angleterre un qui est très sensible, puisque le tarif des produits importés d’Angleterre au Canada sera abaissé d’un quart. C’est incontestablement un succès immédiat pour la politique impériale de M. Chamberlain, et un modèle qui sera proposé comme exemple aux autres colonies britanniques.

Mais à quel prix ce succès a-t-il été obtenu ? L’Angleterre a dû dénoncer ses traités de commerce avec l’Allemagne et la Belgique. Le premier, en effet, avait un article 7 ainsi conçu : « Les stipulations des articles 1 à 6 (ces articles se rapportent à ce qu’on appelle la clause de la nation la plus favorisée) s’appliqueront également aux colonies et possessions étrangères de Sa Majesté Britannique. Dans ces colonies et possessions, les produits des États du Zollverein ne seront pas sujets à des droits d’importation autres ou plus élevés que les produits du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, ou ceux de toute autre contrée. » L’article 15 du traité anglo-belge n’est pas moins explicite ; le voici : « Les produits d’origine ou de manufacture belges ne seront pas grevés dans les colonies britanniques d’autres ou de plus forts droits que ceux qui frappent ou frapperont les produits similaires originaires de la Grande-Bretagne. » Ces deux traités portent le caractère de l’époque où ils ont été signés. A ce moment l’Angleterre n’hésitait pas, comme on le voit, à conclure non seulement pour elle, mais pour