sycophantes, s’accusant réciproquement des fautes les plus graves, se renvoyant surtout sans cesse les uns aux autres le reproche de vénalité. On est profondément attristé, quand on pénètre dans le détail de leurs querelles, de la fréquence avec laquelle y revient l’accusation de corruption. Il est certain que l’argent jouait un grand rôle dans la vie publique des Athéniens ; il en était de même chez tous les Grecs. Plutarque nous apprend que Périclès avait ses fonds secrets, à l’aide desquels il achetait chaque année régulièrement, méthodiquement, les magistrats de Sparte ; par là il retarda l’explosion de la guerre qui devait anéantir la puissance athénienne et gagna le temps nécessaire pour permettre à son pays de se préparer à en soutenir les premiers chocs. Mais plus que partout ailleurs, il y avait à Athènes des consciences à vendre, parce que le pouvoir y était partagé entre plusieurs. On le savait au dehors ; et nous voyons dans Thucydide qu’au Ve siècle les alliés, en réalité les sujets des Athéniens, avaient à Athènes des patrons dont ils entretenaient le zèle en leur faisant passer de temps en temps des sommes importantes. Plus tard, ce sont des rois que nous trouvons parmi les cliens des hommes d’État athéniens : tels ces princes du Pont qui envoient tous les ans à l’un d’eux mille mesures de. blé, afin que, par son crédit, une statue leur soit élevée sur l’agora.
Mêmes tentatives au dedans, et mêmes tentatives heureuses, pour corrompre les orateurs. On obtenait, en les payant, qu’ils fissent voter ou rejeter tel décret par l’assemblée du peuple. Ces pratiques déplorables étaient si fort entrées dans les mœurs, que beaucoup de gens n’en étaient point choqués ; on admettait que la politique procurât certains profits, et une fortune acquise ou accrue dans le maniement des affaires, passait pour légitime. Le soupçon n’en planait pas moins sur toutes les têtes, prêt à se transformer en insinuations perfides, en dénonciations, en procès ; les plus compromis étaient les plus sévères, et leur bruyante vertu, qui ne perdait pas une occasion de se faire valoir, s’attaquait à tous, même aux innocens. Un orateur osait-il soutenir dans l’assemblée une opinion contraire à celle du plus grand nombre, il était vendu : c’est l’arme dont Cléon cherche à frapper Diodote dans la célèbre séance où s’agite le sort des habitans de Mitylène. Il fallait un vrai courage pour parler au nom de la minorité ; on y risquait, non seulement sa popularité, mais son honneur et sa fortune. La politique était un combat où la défaite