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l’État et la prospérité de la maison s’en accrut. Chaque année la Société nomme une commission de vingt-quatre membres élus dans son conseil, ou en dehors, parmi les meilleurs agriculteurs de la contrée. Cette commission prend connaissance des thèses imprimées qui lui sont soumises, et se rend à Beauvais où les examens oraux sont passés et durent trois ou quatre jours ; après quoi les élèves viennent faire une leçon improvisée sur un sujet agricole tiré au sort. L’an dernier dix-huit élèves ont présenté des thèses et subi trois jours d’examens qui ont duré quelquefois de six heures du matin à sept heures du soir. Ces examens sont publics et une soixantaine d’élèves n’ont pas cessé d’y assister.

Nous étonnerions beaucoup le lecteur si nous énumérions ici les sujets de ces thèses. Comme les candidats ne sont pas tous Français, qu’il en vient d’Espagne et de Belgique, d’Italie et d’Angleterre, d’Asie et d’Amérique, les examinateurs se trouvent parfois déroutés par les sujets de thèses qui leur sont soumis. Il faut alors qu’ils se mettent eux-mêmes à l’étude et qu’ils s’instruisent de faits et de données scientifiques étrangers à leur habituelle culture d’esprit. Ainsi en 1894 nous avions une thèse sur l’agriculture dans le Guatemala dans laquelle le café tenait le premier rang. Il y a quatre ans, un Grec des bords du Nil nous entretenait du coton cultivé dans le Delta, un autre nous parlait des irrigations dans la plaine de Valence. Tout à l’heure il nous en viendra qui nous diront quel est le meilleur aménagement des forêts de palmiers-dattiers dans la Tunisie et nous éblouiront de leur savoir à propos de la flore de Madagascar. Ce sont des exceptions, mais elles prêtent du piquant aux examens et entraînent parfois le juge sur la sellette.

En 1893, le F. Eugène-Marie mourut subitement pendant la distribution des prix. Rien ne fut interrompu. Ses obsèques furent l’occasion d’une manifestation de douleur et de reconnaissance. La foule qui suivait ce convoi du pauvre qui avait enrichi la contrée ne put tout entière trouver place dans l’immense cathédrale, et le président de la Société des Agriculteurs de France, M. le marquis de Dampierre, vint verser sur la modeste tombe les regrets de tout ce qui tient, d’en haut comme d’en bas, à l’agriculture française. Quelques mois après, le F. Paulin était installé à Beauvais, successeur du F. Eugène-Marie ; et dès son arrivée, il faisait sentir son action hardie en ajoutant aux domaines de l’Institut un moulin pris à long bail et en bâtissant une aile nouvelle pour donner des chambres aux élèves que la bonne renommée de la maison y attirait.