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avec succès, le développement des méprises et s’emploie à les faire tourner au plus grand profit de l’ensemble ; qui des associations par assonance fait sortir le rébus, la poésie, et de naïves ou grandioses conceptions du monde quelle rectifie sans cesse. Cette puissance c’est l’esprit même, la forme coordonnée qui résulte du jeu systématisé d’innombrables élémens (comme la vie repose sur le jeu coordonné des unités organiques et la société sur celui des unités sociales) et cherche à profiter des produits des élémens qui lui échappent encore et ne se subordonnent pas. L’organisation physiologique et l’organisation sociale lui viennent en aide, et reçoivent également son secours. Imparfaites toutes les trois, elles s’entr’aident, marchant, — sans certitude de réussite, — vers l’harmonie complète, tirant parti de l’erreur et du mal pour la vérité et le bien et tâchant de se faire encore, de devenir encore plus et encore mieux ce qu’elles sont déjà. Ce sont elles qui font la fécondité de ces procédés imparfaits dont j’ai essayé d’expliquer le rôle. Si l’association par assonance a pu avoir la portée que nous avons dû lui reconnaître, ce n’est pas à elle-même que le mérite en revient, car elle produit indifféremment la connaissance et la méprise, mais à la force qui en a su tirer parti, à l’âme humaine, à l’harmonie directrice qui n’existe pas encore absolument mais qui s’est formée déjà et se forme encore peu à peu par l’association toujours plus étroite et plus systématique de ses élémens, comme une nation s’établit par la réunion et l’unification de tribus, de peuplades, en de petits groupes encore indépendans dans une certaine mesure, mais déjà reliés par le jeu des croyances, des intérêts et des besoins.


FR. PAULHAN.