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imitative où la répétition d’une lettre n’agit pas tant, je le crois bien, dans la plupart des cas, par la ressemblance du son à rappeler et du son des mots employés (ressemblance qui reste toujours bien moins grande qu’on ne l’admet, quoiqu’une certaine analogie soit possible et au moins utile), que parce que l’allitération détermine en nous une certaine excitation dont le sens du morceau détermine l’emploi. Au reste l’allitération qui n’est ni trop dure, ni trop répétée est par elle-même un plaisir. Les poètes contemporains l’ont particulièrement recherchée et ont su en tirer de jolis effets assez curieux.

L’assonance eut des effets analogues à ceux de l’allitération. Elle inspira autrefois les vers léonins. Plus tard la poésie s’en servit, grâce à la façon dont elle s’impose à l’esprit, pour créer un rythme nouveau et remplacer les rythmes disparus. L’assonance marqua la fin des vers de nos vieux poètes, et la rime aujourd’hui l’a remplacée pour cet office qu’elle remplit dans plusieurs langues.

Le rôle de la ressemblance des sons dans les rimes est double. D’un côté elle marque la mesure par la répétition du son qui s’impose à l’auditeur ; elle produit pour une bonne part le plaisir particulier du rythme, en même temps qu’elle peut être agréable par elle-même. D’un autre côté elle agit pour suggérer au poète un son semblable à celui que le sens lui impose, et, avec ce nouveau son, les idées et les images qui l’accompagnent. Sur le premier point aucun doute n’est possible. Sainte-Beuve en appelant la rime l’ « unique harmonie du vers » a beaucoup exagéré ; mais il n’a qu’exagéré. A propos du second, on se rappellera avec plaisir les pages que Th. de Banville a écrites dans son Petit traité de poésie française. Elles ne manquent pas non plus d’exagération ; mais, en somme, si nous faisons les réserves nécessaires, elles nous donnent assez exactement la psychologie de toute une classe de poètes. « L’imagination de la rime, dit Banville, est, entre toutes, la qualité qui constitue le poète ; tous commencez par voir distinctement dans la chambre noire de votre cerveau tout ce que vous voulez montrer à votre auditeur, et en hème temps que les visions, se présenteront spontanément à votre esprit les mots qui, placés à la fin des vers, auront le don d’évoquer ces mêmes visions pour vos auditeurs... Si vous êtes poète, le mot type se présentera à votre esprit tout armé, c’est-à-dire accompagné de sa rime !... La rime jumelle s’imposera à vous, vous