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et d’idées représentés par un son unique auquel ils sont tous deux associés.


III

Les faits précédens ont surtout une importance pour ainsi dire individuelle ; quelle que soit la place qu’ils puissent occuper dans la vie d’un individu, ils n’intéressent pas au même degré la vie propre de l’ensemble dont il fait partie. Déjà cependant ils l’intéressent à quelque titre peut-être, mais nous allons voir maintenant le véritable rôle de l’association par assonance. Elle a contribué pour une grande part à donner aux hommes et leurs moyens de s’exprimer, c’est-à-dire de communiquer ensemble, de se comprendre et de sympathiser, et leurs idées à exprimer, leurs conceptions et leurs sentimens même. Un enfant prend volontiers pour jouet les instrumens de travail de son père. Les hommes restent enfans, et nous jouons volontiers avec ce qui fut pour nos aïeux une chose sérieuse et, sans doute, une cause d’innombrables erreurs, mais un outil merveilleux aussi pour les conquêtes intellectuelles.

S’il est maintenant une habitude utile à l’exercice de notre intelligence et que la répétition nous ait rendue facile et nous fasse paraître simple, c’est celle de représenter à peu près chaque son ou chaque modification d’un son, chaque voyelle et chaque consonne, par un signe particulier. Il fallut longtemps pour en arriver là, et notre alphabet, assez imparfait d’ailleurs, est le terme d’une longue série de transformations. De l’idéographisme à l’alphabet, les étapes furent nombreuses. L’écriture figurative, qui représentait simplement l’objet dont on voulait donner l’idée, marquait déjà un progrès considérable sur les grossiers moyens mnémotechniques qui paraissent l’avoir précédée, et que rappelle suffisamment le nœud fait au mouchoir, cette manière classique de se rappeler ce que l’on ne veut pas oublier. Le symbolisme la compliqua bientôt sans doute, comme le pense M. Lenormant, et permit de voir dans le signe non une image, mais un symbole de l’objet signifié. Deux jambes en mouvement, par exemple, éveillèrent l’idée de marche.

Mais un pas plus décisif fut fait par l’usage du rébus. Le son du mot que désignait la chose représentée et cette chose même étaient également évoqués par l’image. En la voyant on pouvait