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c’est le contemporain de la formation des idées, des mythes et des langues. Ne le considérons pas comme une chose lointaine et difficile à retrouver 1 Nous le rencontrons, il est vrai, aussi loin dans le passé que l’histoire nous peut faire remonter ; mais il subsiste encore et il durera tant que de nouvelles voies s’ouvriront pour l’homme, tant que de nouvelles idées fleuriront en lui, tant que de nouveaux apprentissages lui seront imposés. C’est dire que nous ne pouvons en prévoir la fin. Il est caractérisé par un jaillissement d’émotions et d’idées un peu confuses, mal ébauchées encore, mais fraîches et souvent vivaces. Les associations par analogie sont les sources vives d’où sort ce torrent ; l’association par assonance est une de ces sources et non la moins abondante, ni la moins utile si nous pouvons faire remonter en partie jusqu’à elle le cours de nos doctrines et de nos croyances, comme des termes de notre littérature et des apparences mêmes de notre langage. L’état de décadence nous intéresse moins : il est une fin, non une origine ; et les méprises du dément n’engagent guère l’avenir. Cependant, comme en chacun de nous il y a des momens et des parties de décadent à côté de momens et de parties de primitif et d’esprit mûr, il arrive que ce qu’il y a de bon en nous profite de ce qu’il y a d’inférieur et en tire parti pour son plaisir ou pour son utilité. Ce qu’il y a de mauvais dans notre nature travaille ainsi, pourvu que l’ensemble de notre développement s’opère bien, à s’éliminer soi-même en fortifiant ce qu’il y a de meilleur.


II

La façon la plus simple de tirer parti des associations de mots par ressemblance, c’est de les prendre pour elles-mêmes, de laisser l’esprit suivre sa fantaisie, et de s’en amuser. Le plaisir, ici, est double. Il résulte d’abord de l’exercice d’une faculté naturelle et en temps ordinaire un peu réprimée : en cela il ressemble au plaisir qu’on éprouve après être resté longtemps assis, à remuer, sans but précis, ses jambes et ses bras. D’autre part on peut ressentir à l’occasion d’un mauvais calembour un plaisir analogue à celui que produit une incohérence quelconque. La chute d’un individu paraît quelquefois drôle et fait rire ; le calembour agit de même par le choc, par l’inattendu, par le heurt de deux images incohérentes présentées simultanément à l’esprit ; cela