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PSYCHOLOGIE DU CALEMBOUR

On a pu dire que la marche de l’homme se composait d’une série de chutes évitées. On pourrait dire de même que le progrès de notre esprit n’est qu’une suite d’innombrables erreurs enrayées et rendues profitables. Nos doctrines, nos sciences, nos langues ont, à leur origine, des généralisations hâtives, des illusions de l’esprit ou des sens, des erreurs positives, des rapprochemens d’idées injustifiables au point de vue de la logique. D’invraisemblables intuitions, de vagues raisonnemens par analogie sont le germe d’idées très précises et de théories irréprochables. Peu à peu le travail de l’expérience, le frottement, les heurts que la vie impose à toutes nos idées, le passage d’une même conception à travers différens esprits qui, chacun selon sa nature, la modifient, la compliquent ou la débarrassent de sa gangue, arrivent à la dégager de sa confusion première. Elle peut être alors soumise avec succès aux épreuves qui achèvent de la purifier en la vérifiant. La logique intervient à son tour pour la préciser et la formuler. À ce moment, l’idée philosophique, scientifique ou littéraire a fini son évolution personnelle, elle est entrée dans un cadre d’idées qui la reçoit et auquel elle s’applique exactement. Tant que ce cadre restera solide, elle y demeurera à sa place et vivra de la vie de l’ensemble dont elle fait partie.

Mais cette logique qui achève la perfection de l’idée, qui régularise cette immense quantité de phénomènes psychologiques et sociaux dont se compose la vie d’une langue, d’une doctrine philosophique, ou d’une forme littéraire, ce n’est pas elle qui les a