conçue, mal conduite ! Personne ne voulut plus l’avoir approuvée ; tout le monde s’en défendit, mais un seul avec raison, Treilhard, qui n’était pas Directeur en avril. Cependant ils se reprirent vite. L’esprit conventionnel se réveillait en eux, aux heures de péril. C’étaient toujours les hommes de la patrie en danger et de la lutte quand même. Ils s’accordèrent, et très vite, sur deux points : refaire une flotte, surtout ne rien céder. Revenant au vieux parti de l’audace révolutionnaire. Barras proposa de dissoudre, dès l’instant, le congrès de Rastadt. « Si vous hésitez, s’écria Rewbell, à déclarer la guerre à Naples, qui l’a provoquée de mille manières, et si vous tardez à vous rendre maîtres de la Sicile, c’en est fait de notre navigation dans la Méditerranée ! » Mais déclarer la guerre à Naples, c’est la déclarer à l’Autriche. Daunou, arrivé récemment, montre l’Italie prête à se révolter. Les Directeurs refusent d’y croire. « Rien ne fait impression sur eux, écrit Sandoz, ils préfèrent la guerre au scrupule de renoncer à la misérable république romaine. »
Cependant les nouvelles funestes se succèdent : l’expédition d’Irlande tourne au désastre : Humbert, qui a débarqué, capitule le 8 septembre ; la flotte qui devait le soutenir, est battue le 11 octobre ; les frégates hollandaises qui portaient une partie de l’expédition, sont capturées le 25[1]. Enfin la Turquie déclare la guerre et la flotte russe arrive à Constantinople aux acclamations des Turcs. Bonaparte seul, toujours porté par la fortune, envoie encore un bulletin de victoire. Le 16 octobre, on reçoit ses lettres du 6 juillet au 21 août : la prise d’Alexandrie, la marche en avant, la bataille des Pyramides, l’entrée triomphale au Caire !... Mais Bonaparte est bloqué dans sa conquête, exilé dans sa victoire. C’en est fait des grandes diversions et de l’Irlande et de l’Orient ; les Anglais sont rassurés dans leur île ; leur flotte est maîtresse de la Méditerranée.
Si le Directoire est débarrassé de Bonaparte, l’Europe en est débarrassée aussi. Il ne reviendra pas de longtemps, s’il revient jamais, et l’Europe va tout mettre en œuvre pour qu’il revienne trop tard. Les gouvernemens qu’une victoire des Français sur l’Angleterre aurait condamnés à la paix, ou tout au moins à la neutralité, s’agitent, s’arment, se liguent, reprennent espérance. Et les mesures du Directoire se retournent contre la République.
- ↑ Guillon, la France et l’Irlande fendant la Révolution, Paris, 1888.