Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres[1]. Le motif du trio de la symphonie en la a été reconnu par l’abbé Stadtler pour un hymne de pèlerins très répandu dans la basse Autriche. Enfin le finale de la huitième symphonie pourrait bien n’être que le développement, la splendide expansion du finale de certaine symphonie de Haydn en sol majeur. Elle était si familière à Beethoven, que le thème du largo se retrouve dans ses œuvres jusqu’à cinq fois.

Qu’il se l’approprie ou qu’il la crée lui-même, la mélodie de Beethoven ne jaillit jamais, comme on pourrait le croire, spontanément et d’un seul coup. Les carnets d’esquisses du maître attestent avec une éloquence inattendue, parfois douloureuse, l’opiniâtreté, l’angoisse même de ses recherches et de ses efforts. Sur de méchans cahiers, mal cousus, d’un papier gris et grossier pareil à du papier à chandelles, le promeneur solitaire et farouche écrivait à la hâte, à l’aventure, et comme à des lueurs d’éclairs. Il écrivait, puis effaçait, puis récrivait pour effacer encore, ébauchant presque toujours plusieurs œuvres en même temps. C’est ainsi que, dans un des carnets les plus importans, les esquisses de la seconde symphonie se trouvent mêlées à celles de trois sonates pour piano et violon et de trois sonates pour piano seul. De la huitième symphonie (premier morceau et finale) les esquisses abondent. Le début même de la symphonie en ut mineur a été cherché longtemps. Ce thème, « le plus fameux qui soit au monde », cet éclat soudain qui paraît involontaire et presque arraché comme un cri, Beethoven ne l’a pas fixé du premier coup dans sa brutalité foudroyante. On ne trouve en aucune des versions préparatoires le point d’orgue de la seconde et de la quatrième mesure, cet arrêt après cet élan, après cette explosion ce silence, d’un effet si puissant et si nouveau.

Mais il n’est pas de motifs que Beethoven ait plus longuement élaborés et préparés de plus loin que ceux de la symphonie avec chœurs. Ils jalonnent son chemin tout entier, ou plutôt ils sont les sommets, éternellement contemplés, qui dominent son horizon. Dans un cahier d’esquisses de 1815 apparaît le thème du scherzo ; vers 1818 celui du trio, que dès 1802 le trio de la seconde symphonie semble contenir en germe. Le thème du finale surtout s’annonce fréquemment. Il flotte autour de Beethoven, il l’inquiète

  1. Voir les articles du professeur Kuhac et du docteur Heinrich Reimann dans l’Allgemeine Muzikzeitung des 6, 13, 20 octobre 1893, et 20 juillet, 3 et 17 août 1894. (Cité par M. Grove.)