Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/811

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un la, se refusant à croire Beethoven capable d’une aussi grossière erreur. Une autre erreur, et de la même « grossièreté », se trouve dans le célèbre passage du premier morceau de l’Héroïque, où le cor fait entendre les quatre premières notes du thème, celles de l’accord parfait de mi bémol, sur deux notes, données par les violons, de l’accord de dominante. On sait qu’à la première répétition. Ries, assis à côté de son maître, ne put s’empêcher de relever avec une vivacité malencontreuse la dissonance inattendue ; on sait aussi comment, d’un revers de main, Beethoven le releva lui-même encore plus vivement.

« Cette harmonie était contraire à toutes les règles de l’époque. Elle était absolument fautive. Qu’elle est belle cependant ! Comme elle est bien en situation ! Et que la poésie en est profonde ! L’héroïque mouvement des basses est achevé, nous laissant en des régions étranges et lointaines. Le tumulte du jour s’est apaisé ; peu à peu tout s’est éteint. Les cors, les autres instrumens à vent complètent la sensation enchanteresse. Partout semble tomber un crépuscule magique. Enfin tous les instrumens suspendent leur bruissement mystérieux. On n’entend plus que les violons, aussi doux que possible, frissonnans et comme endormis, lorsque là-bas s’élève et flotte un soupir de cor, semblable à quelque fragment incohérent d’un songe. C’est un de ces manquemens à la vie réelle qui ne nous étonnent jamais lorsque nous dormons. Il n’en faut cependant pas davantage pour rompre le charme ; comme par miracle tout a changé ; nous sommes rendus à la pleine lumière du jour, à toutes nos facultés, et nous nous retrouvons nous-mêmes, chez nous, dans le sujet et dans la tonalité du commencement. »

Interprétation arbitraire, diront quelques lecteurs de cette page. Non, mais interprétation intelligente, et qui sans rien contrarier ou contraindre seulement du texte musical, dégage tout ce que peut contenir et signifier de nouveau, dans une symphonie de Beethoven, un détail, que dis-je ? une faute d’harmonie.

Pénétrons plus avant. Derrière l’harmonie, derrière l’instrumentation, allons chercher le fond ou l’âme de la symphonie. Cette âme, qui est l’idée ou la mélodie, nous la trouverons elle aussi renouvelée. Il n’y a pas moins de distance de la mélodie de Haydn à celle de Beethoven, que de l’orchestre de l’un à celui de l’autre. Beethoven est le plus grand des musiciens parce qu’il a formé les plus admirables combinaisons avec les élémens en