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même que leurs principes sont des représailles, leur philosophie n’est qu’une rhétorique.

L’Église, au contraire, même à ne reconnaître dans sa doctrine que les conseils d’une sagesse tout humaine, possède le calme, l’étendue et l’autorité. Elle est un corps traditionnel et permanent, le plus vaste qui se soit donné pour tâche de travailler au bonheur des hommes. Elle a traversé le passé comme elle traverse le présent, les yeux fixés sur l’avenir. Elle échappe par son ubiquité aux préjugés de temps et de race. Elle sait, par l’histoire des peuples qu’elle a formés et auxquels elle a survécu, les chances de vie et de mort contenues dans les institutions diverses ; son expérience reconnaît de vieilles erreurs dans les idées qui semblent nouvelles à l’inexpérience des politiques, et personne ne sait comme elle l’hygiène de l’humanité. En même temps qu’elle contemple de ce regard universel les destinées permanentes de l’espèce, elle respecte en chaque être la dignité d’une nature immortelle ; la première, elle a, non proclamé, mais, ce qui vaut mieux, servi les droits de l’homme, en commençant par les plus humbles victimes du sort, l’esclave, le pauvre, l’orphelin ; sa sollicitude a le don de se partager sans s’amoindrir, et de ménager la liberté des plus petits dans le grand ordre de l’univers. Enfin la vocation même du sacerdoce, cette vie perpétuellement confidente de toutes les passions humaines et, autant que cela est possible ici-bas, étrangère à ces passions, cette pratique obligatoire des vertus qui disciplinent l’imagination, apaisent le cœur, épurent la volonté, et par suite deviennent, dans leur sérénité, intelligence, tout assure aux chefs de l’Église, c’est-à-dire aux meilleurs de ces sages, pour prononcer entre les intérêts, l’infaillibilité du désintéressement. Le jour où de tels témoins sont en désaccord sur les droits et les devoirs de l’homme avec des législateurs, il n’y a pas présomption de vérité en faveur de ceux-ci. Les uns sont le caprice d’une heure et les autres la conscience des siècles.

Mais pour reconnaître la faiblesse de la philosophie révolutionnaire et la solidité de la philosophie chrétienne, il faut sous les mots atteindre les choses, et poursuivre les principes jusqu’au fond des conséquences.

La génération de 1789 n’eut pas, ne pouvait pas avoir cette impartialité. L’expérience ne lui semblait qu’une conspiration du temps contre la vérité. Les abus du passé avaient rendu ses victimes incapables de le juger avec justice. Le meilleur titre d’une