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LES LUTTES ENTRE L’ÉGLISE ET L’ÉTAT.

de l’humanité. La décadence est la contradiction entre ces vocations naturelles et les volontés des peuples.

La connaissance de ces lois fondamentales est d’une telle importance, que le soin de les découvrir et de les appliquer ne pouvait être abandonné au libre arbitre de la raison humaine. Loin que l’attraction naturelle et immuable de la volonté humaine tende au bien général, l’infirmité intellectuelle et morale de l’individu travaille instinctivement contre les droits et l’avenir de l’espèce. Il est donc besoin d’une autorité supérieure au consentement pour défendre ces principes nécessaires contre les inconstances, les témérités et les égaremens du sens particulier. Cette autorité existe et elle a commandé. Continuant l’œuvre de bonté commencée par la création, la puissance divine a révélé au monde les lois qui doivent le conserver. Le Décalogue est le code de justice que le ciel a donné à la terre, l’Evangile a complété la justice par l’amour. Là l’origine, la destinée, et par suite, les devoirs de l’homme sont éclairés. Là se trouvent l’essentiel de la sagesse publique et privée, les préceptes également salutaires à toutes les diversités de race, à tous les âges des peuples, à toutes les conditions des hommes. Les droits de l’individu ont été rendus inviolables à l’arbitraire du pouvoir, parce qu’attributs de sa nature immortelle, ils sont par essence supérieurs aux autorités établies pour le gouvernement d’intérêts passagers ; la solidarité entre les hommes est devenue naturelle parce qu’ils sont frères ; la famille a été fondée sur l’indissolubilité du mariage et la monogamie ; la paix des intérêts sur le respect de la propriété, fruit du travail ; la fécondité durable du travail et la dignité morale de l’existence sur le repos et le recueillement du septième jour ; l’ordre des États sur la soumission aux chefs, mandataires de la puissance divine. Pour tout ce qui est ainsi édicté, l’homme n’a plus ni le devoir de chercher la vérité par ses propres forces, ni le droit de la méconnaître : il ne lui reste qu’à obéir.

Et pour que cette fidélité soit universelle et constante, Dieu ne s’est pas contenté de livrer ces lois à la mémoire et à l’interprétation de chaque race, de chaque génération, de chaque famille, de chaque homme. Il a laissé au monde un interprète de ses desseins. Son Église, gardienne de l’arche où sont les textes saints, a charge de les rappeler aux peuples comme aux individus. C’est pourquoi l’indépendance lui est nécessaire pour