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tresse ni en destructrice dans le gouvernement de l’Église, était devenue moins capable de subir dans le gouvernement de l’État les invasions de l’Église ; et on lui dénonçait comme telles les doctrines du catholicisme sur la liberté. Au lieu de cesser, la lutte se déplaçait. Elle s’éloignait du temple, mais pour se rapprocher de la place publique, du foyer ; elle menaçait des intérêts considérés par l’homme, devenu citoyen, comme son domaine terrestre et la juridiction propre de sa souveraineté ; elle le sommait d’opter entre la vieille foi et la liberté nouvelle. Les hommes les plus attachés à la liberté, c’est-à-dire les défenseurs naturels de l’Église contre l’arbitraire, acceptèrent le dilemme qu’ils n’eussent pas posé ; ils n’auraient pas voulu attaquer l’Église, ils se crurent forcés de se défendre. Cette défiance les empêcha d’abroger les lois de vexation monarchiques ou révolutionnaires, elle les rendit incertains, impuissans ou complices lorsque ces lois, sous prétexte de protéger l’État, furent appliquées par des pouvoirs ambitieux ou sectaires. Ce malentendu a compromis, outre la situation légale de l’Église, son empire sur les consciences. Il a été la pierre de scandale, il a fait le désenchantement et la solitude autour des croyances, il a enlevé au catholicisme en ce siècle plus d’âmes qu’aux siècles des théologiens les hérésies et les schismes, et qu’aux siècles des philosophes la science et les ironies.


IV

Hostilité doctrinale du catholicisme contre la liberté humaine, solidarité politique du clergé avec l’absolutisme des gouvernemens contre l’émancipation des peuples : voilà le double grief qui, de nos jours, a pesé sur l’Église. L’accusation est-elle juste ?

Et d’abord l’Église est-elle l’ennemie de la liberté ?

Si elle l’était, elle le serait devenue. L’indépendance, qui fut dès les origines un instinct de notre race, sa grandi de siècle en siècle dans nos mœurs aux époques où la grande législatrice était l’Église, et celle-ci était alors accusée de défendre à l’excès les droits des peuples. Or on la sait immuable de doctrine. Serait-ce le terme de liberté qui aurait changé de sens ? Parfois, en effet, la mobilité des choses se dissimule sous la permanence des mots, et ceux-ci, en restant les mêmes, prennent une signification nouvelle. Donc, comme dit Pascal, il faut d’abord définir.