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LES LUTTES ENTRE L’ÉGLISE ET L’ÉTAT.

qu’elle a créé. L’abandon des doctrines professées à Constance et à Bâle lui a été payé si cher par le Saint-Siège que la souveraineté religieuse du monarque égale, affermit, complète sa souveraineté politique sur son domaine et que « l’évêque du dehors » est presque un pape du dedans. Victorieuse dans les guerres, féconde dans la paix, servie par toutes les variétés du génie humain, heureuse quoi qu’elle tente, tenue pour modèle par tous les princes, la monarchie de Louis XIV ne cherche plus hors d’elle-même ni règles de conduite, ni principes de civilisation, et ne croit plus pour le gouvernement du monde qu’à sa propre infaillibilité. La papauté a survécu, mais combien amoindrie ! Non seulement elle n’est plus l’arbitre des nations et l’inspiratrice de leur politique, mais il lui faut gouverner les affaires religieuses par un clergé qu’elle ne choisit pas, par des ordres que le souverain temporel juge, et le pape est soumis à l’index du roi. L’Église de France a vaincu ses révoltes : mais pour sauvegarder l’unité religieuse la papauté a dû mettre les âmes en défiance contre toutes les audaces, fussent-elles légitimes, et pour établir son omnipotence politique la monarchie a confié les dignités sacerdotales aux clercs les plus dociles. Par suite a disparu de cette Église quelque chose de fort et de généreux, cette collaboration active et hardie à la vie, aux idées, aux réformes, qui avait fait si longtemps la sève et la liberté de la république chrétienne. Une timidité toute nouvelle attend désormais le signe du maître, la soumission devient une certaine inaptitude à vouloir : et ceux chez qui la vieille indépendance n’est pas morte, suspects à l’une et à l’autre puissance, sont plus près de la révolte contre toutes deux.

Les doctrines d’émancipation religieuse que les conciles de Constance et de Bâle ont adoptées et que la révolte de Luther a rajeunies, les aspirations à la liberté politique entretenues par la Ligue et la Fronde ont créé chez une élite d’hommes graves, doctes et pieux, un état de conscience d’où naît le jansénisme. La foi au roi et au pape, foi du peuple presque entier, trouve pour la répandre et l’affermir quelques grands hommes, mais poussés, comme une exception de zèle et de génie, dans la stérilité envahissante du sacerdoce. La défense collective, continue, méthodique, de l’autorité devient presque le monopole d’un ordre, la compagnie de Jésus, qui, fondée au moment de la Réforme, a su défendre la vigueur et l’autonomie de son apostolat contre les