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souverains catholiques, elle se contente de négocier, de perdre le moins possible dans le présent, de conserver par ses réserves le droit de reprendre dans l’avenir.

Mais la résistance des princes à la logique de l’État chrétien était une fissure dans la forte enceinte où l’Église et la monarchie s’étaient longtemps gardées, solidaires et invincibles. Élargie par le temps, la fissure devint brèche. C’est la parfaite union des deux puissances qui avait obtenu la parfaite obéissance des peuples. Où appuyer un refus, où soulever un doute, quand le pape et le monarque, placés entre la terre et le ciel, mettaient d’accord par deux volontés deux mondes, et d’un même geste transmettaient les ordres du ciel à la soumission de la terre ? Mais dès qu’entre ces pouvoirs s’élevèrent des querelles de limites, ils sortirent de la solitude auguste où leur entente pouvait se perpétuer. Pour défendre ses frontières, chacun avait besoin contre l’autre de confidens, de conseillers, de champions, ici les légistes, là les moines, d’un côté les théologiens, de l’autre les parlemens. Cette intervention ne se trouva pas réservée aux personnes doctes et silencieuses : le plus souvent, la longueur et l’éclat des conflits en livraient tout le mystère aux hautes classes, et parfois au peuple entier. Ainsi, dans une société où le pouvoir religieux et le pouvoir politique avaient pour fondement commun l’autorité, l’esprit d’examen pénétra, introduit par ces pouvoirs mêmes. Faute que l’un d’eux, couronnant la hiérarchie d’autorité, reconnût la suprématie de l’autre, tous deux prenaient à témoin de leurs discordes la nation, cette nation faite pour obéir sans débat et sans fin à leur gouvernement concerté. Les rois, qui opposaient au magistère de la papauté leur raison d’État et affectaient une prééminence d’intelligence sur la sagesse de l’Église, donnèrent aux peuples la première leçon d’irrespect contre la religion. La papauté ne pouvait plus aimer et soutenir, de l’attachement accordé aux anciens protecteurs de l’Église, les princes qui se vantaient de conduire leur politique d’après des inspirations étrangères au catholicisme : à son tour, la raison d’État fut jugée par la raison d’Église.

Tout péril semble loin, quand le XVIIe siècle assied comme en un repos sa stabilité majestueuse. Les doctrines de sécession sont vaincues dans le clergé de France, la papauté a maintenu sa suprématie dans l’Église, la royauté a conquis son omnipotence dans l’État. Celle-ci surtout recueille le gain éclatant du conflit